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Comment (bien) rouler sur un cruiser

Plus de 400 kilos, peu de garde au sol, beaucoup d'inertie

Comment rouler efficacement, en sécurité, sans se faire surprendre au guidon de ces gros bestiaux...

Conseil : (bien) rouler sur un cruiser
Conseil : (bien) rouler sur un cruiser
Dans le monde de la moto, le cruiser divise. Il y a ceux qui lui reprochent sa posture un rien agressive façon "Sons of Anarchy", d'autres qui fustigent l'encombrement et le poids de ces engins (une Indian Roadmaster fait 408 kilos à sec...) et prétendent qu'on ne peut pas prendre de plaisir au guidon d'un truc pareil. Ce qui est faux : d'ailleurs, on peut même enrouler efficacement et savourer autre chose que des autoroutes au guidon de ces machines. Voici donc quelques conseils pour les aborder sereinement...

Au moins 4 quintaux dans le bassin...

Un passager, quelques bagages, le plein d'essence, vous-même : ce n'est pas compliqué d'atteindre quasiment les 600 kilos en ordre de marche sur les gros tourers américains, tels l'Indian Roadmaster ou encore la Harley-Davidson Ultra Classic. Intimidant ? Éventuellement, si vous considérez la relation que vous avez avec votre moto sous l'angle du bras de fer.

Par contre, il ne faut pas chercher à lutter contre cette masse, mais à jouer avec. La masse est élevée ? Oui. Mais bonne nouvelle : son centre de gravité est tout en bas. Avantage des gros moteur V2 : l'embiellage et tout l'équipage mobile du moteur sont assez lourds et avec la boîte séparée, le centre de gravité de la moto se situe sous les fesses du pilote.

Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : un centre de gravité bas
Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : un centre de gravité bas

Du coup, un cruiser ne se conduit pas comme les autres motos. Comme ses machines sont souvent longues, avec un empattement conséquent, elles sont aussi très stables, voire auto-stables à (très) basse vitesse. Voici donc quelques règles à suivre :

  • Ne jamais essayer de lutter contre le poids, c'est perdu d'avance !
  • Dans les manœuvres, il faut que la moto ne prenne pas de gite. Restez droit et tournez le guidon, plutôt que d'incliner la machine ; ça c'est une règle d'or !
  • Essayez l'auto-équilibre. Comment ça ? C'est très simple : s'installer confortablement à bord, pousser sur les repose-pieds, pousser sur le guidon, garder la bassin souple et corriger avec cette partie de votre corps pour tenir la moto en équilibre. Bizarre ? Non, ça marche !
  • Conserver cette façon de "sentir" la moto lors des manœuvres à basse vitesse et lors des petits virages. Contrairement aux autres motos, un cruiser ne se conduit pas aux repose-pieds ni au guidon, mais "au bassin".
  • Attention, la présence de bagages et d'un passager peuvent modifier sensiblement le feeling. Avant de partir pour votre premier grand voyage au long cours, faites vous donc la main progressivement en vous adaptant à un nouveau paramètre à chaque fois.

Enrouler, pas attaquer et arrondir les trajectoires

Si Marc Marquez arrive parfois à prendre 68° d'angle en MotoGP, les cruisers sont nettement plus limités : moins de 30° avant de frotter. Là, attention : car si cela peut être valorisant de faire quelques étincelles avec les repose-pieds, mais sachez qu'une moto ne nécessite que deux points d'appuis. Ce qui signifie qu'après les repose-pieds et si vous insistez, ce sont probablement les échappements puis la boucle arrière du cadre qui va poser par terre, au risque de faire décrocher la roue avant. Alors oui, on a vu des "pilotes" de cruiser entrer fort en courbe, en remontant la platine de repose-pieds d'un mouvement alerte de la cheville, sortant la jambe comme en supermotard pour, le cas échéant, récupérer la machine quand elle décrocherait. Pour avoir essayé, ça marche, c'est fun et sympa, bien qu'un peu à contre-courant...

Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : attention à la garde au sol
Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : attention à la garde au sol

Une approche plus raisonnable tient cependant compte des règles suivantes :

  • Les mouvements d'assiette : un cruiser a peu de garde au sol, donc. Sachez que les suspensions de ces engins sont généralement assez souples et qu'il convient de bien décomposer les phases de conduite pour avoir l'approche la plus neutre possible. Rentrer en courbe avec du frein va encore abaisser l'avant, tandis qu'accélérer trop fort au point de corde va abaisser l'arrière. Vu que la marge est faible, autant avoir la conduite la plus coulée possible.
  • Ceci renvoie au rôle du regard dans la conduite : bien scanner la route est essentiel, car sur ces machines plus que d'autres, une belle bosse ignorée au point de corde peut vraiment vous déstabiliser.
  • L'inertie mécanique doit être prise en compte : le frein moteur de ces gros bicylindres est important et, dans un virage où il faut resserrer, plutôt que de freiner légèrement, couper les gaz au lieu de maintenir le filet peut vous aider à tourner plus court, tout en conservant une assiette neutre, donc en prévenant la garde au sol.
  • Le virage très rond : une fois que tous ces paramètres sont intégrés, que vous avez en main et que vous sentez bien l'inertie de la moto, ses réactions, la limite de la garde au sol, il va falloir repenser votre façon de prendre des virages et les arrondir le plus possible pour avoir un angle optimal mais constant. Et là, c'est un vrai plaisir, voire même une certaine efficacité. On peut aussi, sans parler de déhancher, ce qui serait ridicule, déplacer légèrement son corps vers l'intérieur du virage pour gagner un tout petit peu en garde au sol. Quoi qu'il en soit, le gain ne sera pas exceptionnel et à vous de voir si le style doit primer sur l'efficacité.

Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : plus de 400 kilos en virage
Conseil : (bien) rouler sur un cruiser : plus de 400 kilos en virage

Attention sous la pluie !

Sous la pluie, par contre, il faut redoubler d'attention. On peut se demander pourquoi, puisque ces machines, après tout, ont l'ABS et un rapport poids-puissance peu favorable, parmi les moins intéressants de toute la planète moto ! Il faut être prudent pour les raisons suivantes :

  • C'est le cahier des charges du marché principal (les US) qui dictent les attentes et donc la qualité de grip des pneus. Ceux-ci doivent avant tout durer longtemps, voire très longtemps, au détriment du grip (pas mis en challenge sur le sec vu les faibles prises d'angle), mais peu convaincant sous la pluie. Michelin Scorcher ou Dunlop D411, Harley-Davidon ou Indian, personne n'a de cruiser vraiment rassurant et sécurisant dans ces conditions. Il est donc nécessaire de baisser le rythme et de faire particulièrement attention aux bandes blanches et aux raccords de bitume.
  • Les moteurs sont peu puissants (de 70 à 90 chevaux à la louche, selon les modèles), mais ils ont du couple (entre 13 et 16 m/kg pour la plupart des gros V2, 57 m/kg sur une Boss Hoss V8 6.2). Sans même aller dans l'extrême, l'abondance du couple dès 2000 tr/mn et le profil un peu "carré" du pneu arrière fait que, même avec une prise d'angle minimale, un léger coup de gaz peut suffire à faire dériver un gros cruiser sur une sortie de rond point, par exemple. Certes, l'inertie de l'engin et la longueur de l'empattement font que l'on peut rattraper d'un petit coup de contrebraquage, mais bon...
  • Enfin, malgré l'accélération de la technologie sur les motos, les gros cruisers n'ont pas, pour la plupart, de contrôle de traction. Étonnant quand l'on voit qu'un scooter tel le Yamaha Xmax 300 en dispose désormais. De même, les ABS ont fait des progrès, mais on n'a pas le top du top installé sur ces motos. Prendre une petite marge est salutaire...

Conseil : (bien) rouler sur un cruiser, attention sous la pluie
Conseil : (bien) rouler sur un cruiser, attention sous la pluie

Avec ces quelques règles, en apprivoisant le poids, en étant doux et appliqué dans ses phases de conduite, un gros cruiser devient nettement moins intimidant et ce, très rapidement.

Certes, les bosses peuvent vite vous pousser hors trajectoire à un rythme élevé et la capacité à improviser, notamment si un virage serré se dévoile au dernier moment, est bien faible. Cependant, ces machines se domestiquent facilement et peut même donner bien du plaisir sur petite route sinueuse. Plus les années passent et plus elles deviennent mes choix de prédilection pour des grandes virées, même avec des virages...

Plus d'infos sur la conduite des cruisers

Commentaires

Hsbey

J'ai essayé (HD Road King) et je n'y arrive tout simplement pas. C'était la première fois que je n'arrivais pas à me débrouiller correctement sur une moto.

17-05-2017 15:04 
Phil G

Merci pour ce retour d'expérience... C'est vrai que les cruiser nécessitent un mode d'emploi particulier, mais une fois assimilé, c'est éventuellement assez facile. Est-ce que les conseils ci-dessus font sens au vu de votre expérience ?
Philippe

17-05-2017 16:57 
Hsbey

18-05-2017 08:02 
Hsbey

Votre article est tout à fait bienvenu.

Je vais essayer votre astuce d'auto-équilibre déjà sur ma moto actuelle pour voir si ça n'améliore pas la situation à très basse vitesse. Ensuite, je rééssaierai un autre gros cruiser pour ne pas rester sur un échec.

18-05-2017 08:07 
 

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