La privatisation des nationales est possible

Publication du décret sur le reclassement des routes nationales en autoroutes

Près de 15 ans après avoir mis la main sur le juteux marché des autoroutes, les sociétés concessionnaires espéraient depuis 2014 étendre leur portefeuille de routes en s'attaquant aux routes nationales.

Cette demande portée par l'Association des Sociétés Françaises d'Autoroutes fut finalement accueillie favorablement par l'exécutif qui intégrait un article allant dans ce sens dans la loi d'orientation des mobilités, promulguée le 24 décembre 2019.

Profitant du coeur de l'été, le gouvernement a publié un décret le 15 août dernier au journal officiel traitant des "conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes". Le décret vient ainsi directement modifier l'article R.122-1 du code de la voirie avec l'ajout du paragraphe suivant :

Dans le cas où les contraintes topographiques rendent impossible ou anormalement coûteux un aménagement avec un profil à 2 × 2 voies et chaussées séparées et dans la mesure où le trafic le permet, une section de route ne présentant pas un tel profil d'aménagement peut être classée dans la catégorie des autoroutes, dans les formes prévues au quatrième alinéa, à condition d'être située dans le prolongement direct d'une voie bénéficiant déjà du statut autoroutier. Le classement dans la catégorie des autoroutes des ouvrages annexes et des raccordements à d'autres voies publiques créés ultérieurement sur une telle section de route est prononcé dans les formes prévues au cinquième alinéa. Les caractéristiques techniques de ces sections de routes, ouvrages annexes et raccordements sont fixées par arrêté du ministre chargé de la voirie routière nationale.

Le décret ne permet pas de privatiser directement les routes nationales en les concédant aux sociétés privées, mais simplement d'en reclasser certaines parties en autoroute... pour ensuite en permettre la concession. C'est nettement plus subtil.

Le choix de l'Etat est toujours motivé par une logique de désendettement. L'entretien de ces routes coûte cher et elles nécessitent majoritairement des travaux de rénovation. A côté de ça les concessionnaires ont les finances pour assurer ces travaux, même avec le manque à gagner de 2 milliards d'euros lié aux réductions de déplacements suite à la crise sanitaire. Le risque étant bien entendu une nouvelle hausse tarifaire au péage prenant en compte ces parcelles supplémentaires.

Ok, on risque de payer plus, mais au moins on pourra rouler à 130 km/h, n'est-ce pas ? Pensez-vous, comme aucun aménagement ne sera nécessaire, il n'est pas question de réévaluer les limitations de vitesses qui étaient auparavant fixées. L'article R. 413-2 du Code de la route a lui aussi été complété en ce sens :

Toutefois, lorsqu'une voirie appartenant au réseau routier national a fait l'objet d'un classement dans la catégorie des autoroutes [...], la vitesse maximale autorisée demeure celle fixée antérieurement à ce classement.

15 ans après la privatisation des autoroutes le sujet continue de faire autant débat et est même au centre d'une commission d'enquête au Sénat qui multiplie les auditions depuis février dernier. Quelque chose nous dit que l'on n'a pas fini d'entendre parler du reclassement des nationales...

Plus d'infos sur les routes nationales

• Le décret 2020-1061 du 14 août 2020 relatif aux conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes
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