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Roman : René (épisode 46)

Episode 46 : (j'aime bien ce numéro !) : René commence à tutoyer le chrono…

On avait causé de la météo changeante… Et bien ce matin, la température a sérieusement chuté et la piste est humide, suite à une ondée en pleine nuit. Le vent souffle toujours, mais moins fort qu'hier. Voilà qui va aider les pilotes dans les bouts droits. Seulement, les conséquences du changement météorologique sont énormes en terme de réglage quand on cherche la limite avec des moulbifs de 200 bourrins…

Bizarrement, le team GAGA a le sourire. C'est assez étonnant au vu des difficultés de la veille, mais René a su insufflé à l'équipe une partie de son extraordinaire dynamisme au cours de la soirée, et c'est gonflé à bloc qu'ils ont ouvert la porte du stand !

La grosse inconnue reste bien entendu le comportement de la moto, profondément modifié après la première séance de roulage. Mais aujourd'hui, le tracé australien est totalement différent, ce qui relance la donne pour tout le plateau…

Superpapy s'équipe tranquillement, sans aucune appréhension visible, mais en a t'il une seulement ? En vieux briscard du deux roues, même si l'expérience de la piste reste limitée (mais on sait ce qu'il vaut…), il a quand même eu le temps d'étudier ses adversaires et sait qu'en terme de vélocité, il soutien la comparaison. Faut simplement que le matériel lui permette de s'exprimer comme il sait si bien le faire…

Maurice semble confiant dans les chances du frangin de redresser la barre. Au cours de la soirée, il a eu une longue discussion avec Juju, ce dernier lui confiant avoir reçu un nouveau logiciel de simulation en piste. Ce truc permet, après avoir entré les données du circuit, et les derniers relevés télémétriques de la machine, de décortiquer au mètre près chaque mouvement de la moto puis, en simulant un tour parfait, d'établir une comparaison et de trouver des solutions en terme de réglage adaptés au pilote. Seulement, le logiciel est tout neuf, et sa fiabilité aléatoire…, sauf que Juju est confiant dans la qualité du produit et, sans en parler au big-chef, lequel est réticent à ce type de technologie, il a promis de passer une partie de la nuit à tester son dernier jouet… pour la bonne cause ! Et justement, en entrant dans le box, il lève discrètement le pouce en l'air en direction du Père la Gatouille…

Max, quand à lui, est plutôt nerveux. Ce projet, c'est l'aboutissement d'un rêve qui, pour l'instant, semble quand même mal parti… Mais il tente de masquer son angoisse en s'efforçant de plaisanter de tout et de rien, pour pas casser la bonne ambiance installée.

L'heure de prendre la piste approche rapidement, le véhicule de la direction de course vient de terminer le tour de reconnaissance, et les commissaires de piste commencent à s'exciter !

La pression monte lentement tandis que les mécanos sortent les motos des stands et que commence la symphonie pour mégaphone des moulins qui s'éveillent.

Le vent a beau souffler, la piste reste humide, va falloir être prudent lors des premiers tours…

L'ordre de commencer la séance est soudain donné par les haut-parleurs et les commissaires de piste agitent les drapeaux. Les mécanos effectuent les derniers contrôles, enlèvent les couvertures chauffantes et font maintenant monter les moulins en température.

René est le premier à s'élancer sur sa BIMOCATI, très vite imité par le team DUCATI CORSE. Pas mal semblent attendrent pour juger du bord de piste les conditions de roulage en laissant à la concurrence le soin de tester le bitume.

Régis et James doublent rapidement René, lequel effectue un premier tour très prudemment sans prendre le moindre risque. Deux minutes pour les hommes en rouge, vingt secondes de plus pour le Respectable. Un deuxième tour voit les pilotes DUCATI passer en 1'50, et René dans un prometteur 1'55.

On est loin des temps d'hier car la piste est sale et devenue mono trajectoire, sans compter la température au sol plutôt fraîche, s'écarter de la bonne trace, c'est risquer d'aller goûter le gravier, ce qui n'est pas le but en début de séance…

Au fil des passages, les temps descendent sous la minute quarante cinq et les autres pilotes sont maintenant en piste. La bonne nouvelle c'est que Pépère semble dans le bon rythme, mais on sent que tout le monde se cherche et s'observe.

Pendant ce temps, la température ambiante commence à monter tout doucement tandis que le vent poursuit son ouvrage en continuant de sécher le bitume. L'adhérence commence à venir au fil des tours sur la bonne traj', et les chronos s'améliorent : 1'41 pour CORSER et LACONI, 1'42 pour KAGAYAMA qui vient de chuter sans gravité, et entre 1'43 et 1'45 pour le reste du plateau. VERMEULEN aussi tâte du bitume dans le grand droit au fond du circuit, moto détruite mais le pilote n'a rien. Puis vient le tour d'HAGA, de MC COY et de WALKER d'en faire autant, décidément, fait pas bon s'écarter de la traj'…

Et René dans tout ça ? Ben…, il reste en 1'50, comme hier, et y va de sa petite chute lui aussi !

La moto n'a pas grand-chose mais le retour au stand s'impose, l'occasion d'un premier débriefing.

« C'est un poil mieux qu'hier, explique l'Ancien, mais y'a encore du taf avant qu'cette brèle aille ou j'veux. En plus, la piste est glissante et j'ai pas pu éviter un tout droit dans l'gauche là-bas au fond. On va essayer avec l'autre machine, comme les réglages sont plus poussés, ça peut qu'aller mieux et j'commence à bien connaître le tracé maintenant… »

La piste est presque sèche à présent, mais le sable ramené par le vent oblige à garder l'unique trajectoire ou l'adhérence est maintenant équivalente à celle de la veille. C'est VERMEULEN qui vient de s'emparer de la pole provisoire, en 1'37 tout rond, tandis que Régis vient à son tour de tomber. René passe régulièrement en 1'45. C'est beaucoup mieux, mais on est loin des meilleurs quand même…

Il effectue maintenant un retour au stand tous les deux tours pour tenter de modifier les réglages mais ne parvient pas à améliorer son temps. Les autres non plus d'ailleurs, sauf … CORSER, lequel vient de claquer un beau 1'36'5 et reprend la pole !

La séance se termine ainsi, René est dix-huitième, à huit secondes de Troy quand même…

Là, Juju jette son va-tout : puisqu'on piétine autant, on ne risque rien à laisser faire l'ordinateur…

Max, un peu désemparé, se tourne alors vers Albert, Papy et Jean-Yves. Pourquoi pas après tout ? Dave et Maurice poussent aussi dans ce sens.

La séance de l'après-midi voit la météo revenir franchement au beau fixe, avec une température presque estivale et un vent quasi-nul. De plus, la piste semble nettoyée à présent, les temps vont tomber !

Cette fois, c'est une BIMOCATI profondément remaniée qui s'élance sur le tracé du bord de mer et… cette fois, ça marche… ! René, au bout de trois tours, vient de cracher un inattendu 1'37, tandis que CORSER et LACONI (encore eux…) viennent de descendre sous la barre des 1'36…

TOSELAND s'en mêle un moment en chatouillant la pôle provisoire, mais va au tas, moto détruite et douleur au bras, pour lui, la séance est terminée !

Il reste cinq minutes de roulage avant que le drapeau à damier ne s'agite. C'est maintenant Régis qui a repris la tête en 1'34'2, suivi à deux dixièmes par… ouais, toujours CORSER. KAGAYAMA est trois, cinq dixièmes derrière son coéquipier. Puis vient VERMEULEN et… René !!! Pépère, tout en glisse, a tourné en 1'35'3…

Personne n'améliorera plus.

Fin de la troisième séance d'essai. Si je te dis que dans le stand du team GAGA, c'est l'euphorie, tu me crois ?

Par contre, les autres équipes, sceptiques et amusées au début, commencent à se poser des questions sur ce drôle de petit vieux sorti de nulle part…

La rentrée au stand s'est faite sous un tonnerre d'applaudissement. Tout le monde veut ovationner le Respectable, Max le premier. Mais Pépère ne semble pas satisfait…

« Faut pas s'emballer, dit-il en enlevant son casque, y'a des progrès, c'est évident, mais j'le répète : faut pas s'emballer… »

Max et Dave ont l'impression de recevoir une douche froide face à l'attitude affichée par le pilote du team :

« Hein ? Tu veux rire ? T'as le cinquième temps provisoire !!! Franchement, tu me fais un résultat comme ça en course, je me rase la tête et je te file ma limousine… », s'exclame le boss.

« Ta bagnole, j'm'en fout ! Que tu t'rases le crâne, ça, j'veux l'voir… Mais faut d'abord continuer sur la lancée, et c'est pas joué d'avance. Aujourd'hui, même si la brèle s'met enfin à filer droit, on a eu du bol car la piste était sale et y'avait qu'une trace. Moi, sur la route, j'ai l'habitude de rouler très vite dans cette condition, donc j'ai pas d'mérite (NDR : si c'est lui qui le dit…). Demain, si l'temps persiste au beau, les temps vont sérieusement tomber et ça va plus être la même musique. J'pense être capable de faire un truc, mais y'a des bons qui savent tourner la poignée devant. De plus, j'crois qu'la bécane elle est encore jeune en accélération, surtout face à la SUZUK'. J'ai r'marqué aussi qu'la KAWA du môme WALKER arrachait pas mal aussi. Quand à LACONI, si y s'retrouve pas par terre à rouler comme il le fait, y va êt' dur à suivre… »

« René …, dit Maurice en hochant le tête, tu gatouilles ou quoi ? T'étais en glisse partout, tellement à l'aise qu'on aurait dit qu'tu t'baladais, et j't'assure que sur les derniers tours, tout l'monde était devant les écrans à t'regarder faire… J'sais pas si tu t'rends compte, mais t'étais quasiment au fond du peloton, et j'avoue qu'on commençait à plus y croire, et puis d'un coup, quand l'môme a touché les bons réglages et qu't'as r'commencé à tourner, j'ai r'trouvé l'frangin qu'je connaissais, celui qui est capable de tout…
Alors, j't'en prie ! T'arrêtes de causer comme ça, et demain, tu r'mets l'couvert.
Au fait… J'ai parié avec Jean-Yves qu'tu montes sur le podium, alors m'oblige pas à ouvrir le porte-feuille et donne-moi raison ! »

Superpapy regarde son frangin du coin de l'œil, puis déclare à ce dernier :

« J'vais faire mon possible pour faire un truc, mais la brèle et moi on est un peu novice sur c'coup-là ! »

En tout cas, ce n'est pas tout à fait l'avis de la foule qui se presse à la porte du stand, celle-là même composée des sceptiques de la première heure…

Le soir, pendant le repas, René est au milieu de toutes les conversations, et la question qui revient le plus souvent est la suivante : comment un gars sorti de nulle part, ayant la soixantaine de surcroît, pilotant de plus une machine sortant tout juste des computers, fait-il pour aligner de tels chronos ???

Y'en a un qui se marre franchement des tronches éberluées, c'est l'père LACONI. Et il en rajoute le bougre :

« Moi, ça m'étonne pas… Un mec qui est capable de mettre à g'nou les filles comme on vu hier au soir, français de plus, j'dis qu'il a pas fini de nous surprendre…
Franchement, quand j'vois la façon dont y roule, j'vais l'garder en ligne de mire car à mon avis, c'est ce type-là qui risque de me donner le plus de fil à r'tordre, même si y'a aussi Troy et KAGAYAMA avec leurs avions d'chasse ! »

Il a lancé ça à la cantonade, et en anglais pour être certain que tout le monde comprenne…

Les journalistes, présents dans la salle, se sont aussi rapprochés de la table du team GAGA et tentent d'obtenir, avec une certaine insistance, les déclarations de l'Ancien qui est affairé à engloutir un ragoût de kangourou tout en dégustant le vin du pays, sans se soucier le moins du monde d'être l'objet de toutes les conversations.

« Bon, les baveux…, leur a déclaré Pépère, vous allez m'lâcher la grappe. J'aime pas être dérangé quand j'suis à table avec des amis. En plus j'ai faim et j'me régale… J'voudrais pas êt' désobligeant en balançant l'plat en pleine poire à celui qui aura l'audace de m'empêcher de finir mon assiette, mais si vous continuez à m'casser les burnes comme ça, j'garanti pas le résultat ! »

Evidemment, il a dit ça en français, ce que n'a pas pigé ce journaleux italien un peu plus entreprenant que les autres… René s'est levé lentement, a ramassé le plat encore garni se trouvant au centre de la table, et, d'un geste superbe, a renversé le contenu de ce dernier sur la tête de l'infortuné personnage ahuri par la manœuvre !

« Et un rital à la sauce australienne, un !, s'exclame le Respectable en s'esclaffant, y'a d'autres amateurs ??? »

Fou rire général… sauf de l'infortuné scribouillard qui quitte la salle, mi-furibard, mi-vexé, tandis que René reçoit une salve d'applaudissement. Faut dire aussi que ce gratte-papier est un casse burettes de première selon l'ensemble du Circus, passant son temps à harceler pilotes et managers de course en course, tout en pondant des articles dont le chauvinisme extrême agace même ses compatriotes. C'est pas un mauvais bougre, mais, comme tous les ritals, il fait pas dans la demi-mesure en s'appuyant sur la liberté de la presse. Le geste de René est un peu le leur…

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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