Essai Yamaha 450 WR-F 2016
Remise à niveau
Inchangée depuis 2012, la Yamaha 450 WRF a cette fois été complètement revisitée. Dérivée de l'excellent modèle cross YZF, cette nouvelle Yamaha enduro a été pensée comme une machine de course capable de scratcher tout juste sortie de caisse, même si elle sait aussi se montrer conciliante. Mieux vaut tout de même posséder un bon bagage technique à la base pour en tirer le meilleur.
La Yamaha 450 WRF, c'est tout simplement une institution. Car avant d'être une 450, la 400 cm3 sortie en 1998 sous cette appellation a changé la face du tout terrain en imposant un nouveau standard de 4-T moderne, dans un monde où l'on pensait alors le 2-T indétrônable. Devenues 426 en 2001 puis 450 en 2007, avec le passage au cadre en aluminium, les modèles se sont évidemment succédés avec plus ou moins de succès, avec une dernière mouture en date de 2012 qui avait quelque peu laissé les observateurs comme les mordus de la marque sur leur faim, malgré l'arrivée de l'injection à la place de l'obsolète carburateur. Un peu trop lourde, haute, pas forcément très fun sur le plan moteur, elle était loin de susciter l'intérêt et la passion des illustres modèles qui l'avaient précédé, même avec les versions préparées rallye Dakar et ce, malgré un prix Red Dot. Pour un constructeur aussi impliqué sportivement et en avance techniquement que Yamaha, il était donc grand temps de réagir.
Et c'est bel et bien ce qu'ils ont fait, en appliquant à la lettre le même plan que pour la 250 WRF présentée l'an dernier : on prend comme base l'excellent modèle cross, champion du monde MXGP entre les mains de Romain Febvre,avec son moteur inversé, puis on l'adapte aux spécificités du marché enduro et le tour est joué. Plus facile à dire qu'à faire, d'ailleurs, car il y a du travail pour passer des contraintes des circuits de motocross à celles d'une machine d'enduro, qui doit être à la fois capable d'être agile dans les sentiers du Limousin, de rester parfaitement en ligne dans les grandes lignes droites des rallyes africains ou d'absorber les bosses du désert californien. Pas simple. On sent bien que l'affaire est une histoire de compromis.
« Diablement bien conçu »
« Rightfully wrong », tel est nommé le concept du moteur inversé à quatre soupapes et double arbre à cames en tête de chez Yamaha. Ce qu'on pourrait traduire grossièrement par « on a raison d'avoir tort », mais que les têtes pensantes du marketing francophone ont baptisé « diablement bien conçu ». Déjà aperçu dès le début 2000 sur feu la Cannondale 400 MX, il s'agit en fait de repenser totalement l'architecture moteur, avec une admission qui se fait à l'avant. L'échappement, quant à lui, sort par l'arrière du moteur, avec un coude d'échappement qui fait le tour du cylindre. L'idée est d'optimiser l'arrivée d'air ainsi que l'extraction des gaz brûlés, grâce à une meilleure combustion, tout en améliorant le centrage des masses, puisque le réservoir est placé sous la selle, donc dans une position on ne peut plus centrale.
Autre avantage théorique du système, le filtre à air est placé à la place habituel du réservoir, entre le bout de la selle et la colonne de direction et donc beaucoup moins exposé à la poussière que sous la selle. Le pot d'échappement, qui serpente autour du cylindre, gagne ainsi en longueur par rapport à une architecture « classique » et est censé produire plus de couple. Le recentrage des masses vers le bas est également au cœur du sujet, le réservoir ne faisant pas de poids mort en hauteur comme sur une machine « normale ».
Jusqu'ici, on reste sur du commun avec le modèle cross. Pour en faire une véritable enduro, Yamaha a bien entendu commencé par la base : l'adoption de l'indispensable démarreur électrique, devant le cylindre, avec contacteur intégré au bouton de mise en route, qui facilite largement la vie.Un nouveau système d'auto-décompression intervient lorsque le démarrage électrique est activé pour faciliter le lancement du moteur. En outre, l'alimentation en air du bloc peut être augmentée de 40 % pour un démarrage à froid fiable. La WR450F reste toutefois équipée d'un kick, pour permettre de faire craquer le moulin en toutes circonstances, notamment en cas de panne de batterie. Le système d'injection a lui aussi été reprogrammé pour répondre aux contraintes enduristiques. Le corps de papillon des gaz, de 42 mm sur la WRF 2015, gagne ici deux millimètres. L'angle de pulvérisation a aussi été révisé pour gagner en facilité d'utilisation par rapport au modèle cross, qui privilégie la puissance maximum là où l'enduro demande plus de la souplesse.
Autre élément majeur, la boite de vitesse. Disposant de cinq vitesses, elle bénéficie de rapport légèrement différent par rapport au modèle antérieur. Ainsi, si la première et la cinquième ne changent pas, seconde, troisième et quatrième sont plus longues. L'embrayage a été revu également, avec des matériaux différents utilisés pour les disques de friction, un câble qui passe de 2 à 2,5 mm et un nouveau levier spécifique. L'idée étant de disposer d'un levier plus souple à actionner tout en bénéficiant d'un feeling plus doux en action. Les radiateurs sont dotés d'un angle différent du modèle cross, et, surtout, adoptent un ventilateur afin d'améliorer le refroidissement, notamment dans les portions techniques où les radiateurs ne reçoivent que peu d'air. L'intégration du ventilateur a conduit les ingénieurs à changer discrètement la forme des ouïes de radiateurs, plus enveloppantes. Enfin, on retrouve un petit tableau de bord avec compteur de vitesse et un voyant de réserve bien pratique pour compléter cette panoplie enduro, sans oublier l'indispensable roue arrière de 18 pouces, équipée de pneus Metzeler 6 Days Extrême.
Pour être complet, ajoutons que pour les conditions spécifiques de cette essai, nos roues étaient montées avec des mousses en lieu et place des habituelles chambres à air et des pare-mains Acerbis ont été installés pour nous éviter de nous fracturer bêtement un doigt avec une mauvaise pierre...
Mode « Baja »
Puisqu'on aborde les conditions de l'essai, celles-ci étaient particulières. Yamaha Europe a en effet convié la presse européenne dans le sud de l'Espagne, à Alméria, pour une balade typée « Baja », donc plutôt rapide. Environ deux cents kilomètres de pistes qui ont ainsi permis de se donner une idée assez précise de la moto, même si ce type de roulage est pour le moins éloigné de la pratique telle qu'on la connaît en France mais correspond à merveille à la philosophie de la WRF.
La première chose qui frappe quand on monte sur la machine est la hauteur de selle importante, puisqu'elle culmine à 965 mm selon la fiche technique. Mieux vaut dépasser les 170 cm pour pouvoir poser facilement le pied à terre, donc. Une fois perché là-haut, on se sent vite comme chez soi, avec une selle accueillante et, surtout, bien plate, ce qui permet de favoriser les déplacements sur cette selle.
Le guidon, bien plat lui aussi, paraît agréable au premier abord. On notera d'ailleurs à ce propos qu'on dispose de quatre possibilités pour changer la position du guidon sur le té, ce qui devrait permettre avec un peu de testing de trouver un réglage parfaitement adaptée à chaque morphologie. Les commandes sont au standard japonais, entendez par là que tout tombe exactement là où il faut. La Yamaha 450, tout comme sa petite sœur 250, a cette particularité d'avoir des ouïes de radiateurs larges, ce qui gêne un peu au départ au niveau des genoux. Mais, en toute honnêteté, on oublie rapidement ce détail après quelques kilomètres derrière le guidon.
En randonnée
Une petite pression sur le bouton noir qui sert de contacteur et le bloc s'ébroue dans une relative discrétion grâce à l'énorme silencieux en alu. Au départ. Car une fois en piste, ce n'est plus forcément la même. Le bruit d'aspiration de l'air, juste en dessous de la tête du pilote, a vite fait de vous casser les oreilles, il faut bien le reconnaître. Ainsi, sur une rando au long cours, on ne saurait trop vous conseiller de porter des bouchons d'oreilles. L'avantage, c'est qu'elle n’apparaît paradoxalement pas trop bruyante aux riverains qu'on peut croiser, ce qui n'est déjà pas si mal.
Dès les premiers chemins, on se rend compte du gain en maniabilité par rapport à l'ancien modèle, que le poids haut perché rendait délicate à manœuvrer dans le technique. Ici, c'est incontestablement plus facile, grâce à un centre de gravité qu'on sent placé plus bas, même si elle est encore loin d'être la plus maniable des 450 de sa catégorie, loin s'en faut. Au fur et à mesure que l'on se chauffe, la confiance vient naturellement. Le frein moteur est certes présent, mais plus comme un allié qu'un ennemi et ne se révèle jamais comme un handicap. Le freinage, assuré par un disque de 270 mm à l'avant et un de 245 mm à l'arrière, est au-dessus de tous soupçons : performant, facile à doser et endurant. Un sans-faute.
Autre bonne nouvelle, une paire de suspensions KYB qui fait le boulot avec panache. En effet, la fourche comme l'amortisseur disposent d'un réglage d'origine plutôt bien pensé pour un pilote de gabarit moyen. La fourche s'enfonce correctement sur le premier tiers de se course, permettant ainsi de bien inscrire l'avant dans les virages, tout en étant ferme sur les deux derniers tiers ou les compressions rapides. De fait, elle encaisse bien les gros chocs qu'on n'aurait pas anticipé, par exemple. On peut en témoigner ! Qui plus est, elle fonctionne en parfait accord avec l'amortisseur, qui réagit de façon similaire. Offrant un bon grip en sortie de virage ou dans les quelques montées qu'on a croisé, ce dernier ne fait jamais de coup de vice en cas de mauvaise rencontre avec une pierre ou autre mésaventure qui ne manque pas d'arriver sur une balade comme celle-ci.
Et quelle stabilité de la part du châssis ! On sait que les Yamaha tout terrain s'enorgueillissent régulièrement d'être parmi les plus stables du marché et on ne peut que constater que c'est encore une fois le cas avec cette WRF. Même à des vitesses proches de 120/130 km/h voire plus dans les (larges) chemins andalous, la moto file droit en toutes circonstances, en procurant une sensation de sécurité absolu dont peu d'autres machines pourraient se vanter. Et croyez bien qu'à ces vitesses-là, c'est fort appréciable !
Reste à aborder le thème du moteur... Un moteur qu'on sait particulièrement explosif en version cross. Et bien même s'il a effectivement été calmé pour cette livrée enduro, on peut vous assurer qu'il n'a pas perdu grand chose en terme de caractère. N'y allons pas par quatre chemins : ça dépote sévère ! Même avec la cartographie d'injection standard, il convient de manier la poignée droite avec précautions pour éviter de se faire désarçonner ou de perdre l'adhérence tellement ça envoie.
En rando tranquille ou sur des pistes comme celles de l'essai, c'est l'éclate. On peut facilement envoyer des glisses à l'accélération ou tout mettre pour atteindre des vitesses inavouables quand une ligne droite se présente. Mais forcément, la médaille a un gros revers. Car quand il s'agit d'aborder des parties plus techniques, mieux vaut disposer d'un certain doigté sous peine de subir sévère.
Toutefois, il existe des solutions pour calmer les ardeurs du bloc. Nous avons en effet profité de la pause du midi pour changer de mapping, en passant sur la plus soft, grâce à l'outil Power Tuner, un petit boitier électronique à brancher directement sur la moto. Qui, effectivement, parvient à rendre le moteur beaucoup moins explosif, notamment dans les bas-régimes et donc plus facile à exploiter. Les montées dans les tours restent costaudes, mais se font de manière plus linéaire qu'avec la standard, qui vous colle littéralement un coup de pied aux fesses.
Un mot sur la boite, pour dire qu'elle se révèle très efficace et facile à actionner. Les vitesses passent impeccablement et sont plutôt bien étagées, même si, avec un tel couple, on peut bien se demander à quoi sert la première si ce n'est à se balader dans le paddock. Autre motif de satisfaction, l'embrayage. Doux, précis, efficace et endurant, il n'a suscité que des éloges.
A l'attaque
Avec un guide du jour, Frans Verhoeven, capable de gagner des étapes du rallye Dakar, la gentille balade a parfois pris des allures de spéciale. Une bonne occasion de pousser la machine et le bonhomme dans ses retranchements. Là, aucun doute, la Yam est dans son élément.
Que la map d'injection soit sur standard, soft ou hard, la réserve de puissance est là sans problème. Tout n'est plus qu'une question de physique ou de prise de risque ! Dans le rapide, la WRF est tout simplement royale. La qualité des suspensions déjà évoquée et la réponse moteur en font une arme dotée d'un potentiel infini. Reste pour le pilote à le maîtriser, ce potentiel, parce qu'à l'attaque, croyez bien que les virages vous sautent littéralement au visage !
A tel point qu'il s'en est fallu de peu qu'on en rate un, de virage... Yamaha a également eu le bon goût de nous tracer trois petites spéciales différentes pour évaluer la belle dans des conditions différentes. Une extrême, une cross test et une ligne.
Dans l'extrême, on sent bien qu'un poil de maniabilité en plus ne serait pas de refus. Dans les virages serrés, il faut en effet sortir les muscles pour positionner la machine pile là où vous le souhaitez et être particulièrement attentif aux relances avec la poignée de gaz, même en évoluant une vitesse au-dessus pour la calmer. Malgré tout, elle sait faire, mais encore une fois, mieux vaut un solide bagage en terme de pilotage.
Dans la cross test et ses gros appuis de poussière digne du fesh-fesh du Dakar, elle est parfaitement dans son élément : un gros coup d'embrayage et elle vous propulse vers la courbe suivante, non sans avoir défoncé l'appui ! Même constat dans la rapide ligne, où la Yam a su faire apprécier sa stabilité et la qualité des ses suspensions dans les longues lignes droites remplies de vicieuses pierres cachées sous la fine couche de sable.
Bref, autant vous dire qu'elle est plus à l'aise là que dans l'extrême, c'est une évidence. Nous aurions aimer la tester un peu en franchissement, malheureusement le terrain ne s'y prêtait pas. On peut toutefois déjà prédire que ce sera pas non plus son terrain de prédilection sans trop s'avancer...
Conclusion
On en a fait du chemin, depuis la Yamaha 400 WRF de 1998 qui a révolutionné le marché des 4-T enduro. Pourtant, cette WRF 2016 reste bel et bien dans la même démarche : une moto conçue pour la performance et les grands espaces. Certes, elle est capable d'évoluer sur un mode rando tranquille pour peu qu'on lui mette la cartographie qui va bien. Mais ce n'est pas à quoi elle est prédestinée, à savoir rouler vite. Que ce soit dans le désert californien ou sur les pistes Baja d'Andalousie, c'est bien le rapide son terrain de prédilection. Et elle y excelle, grâce à la combinaison de plusieurs facteurs. En premier lieu, ce fameux moteur à architecture inversée qui se révèle démoniaque à emmener quand il a la place pour s'exprimer. Quel plaisir, en effet, de monter les vitesses à la volée pour s'offrir des pointes entre deux courbes à enchaîner en glisse. Et puis il y a aussi ce super châssis qui permet d'exploiter le bloc au maxi, grâce d'abord à une stabilité difficile à prendre en défaut et des suspensions qui collent à la perfection à la philosophie de la machine. Pas facile, évidemment, de conseiller cette moto si votre pratique consiste à rouler dans le trialisant sans passer la deux de la journée. Par contre, si vous êtes du genre à aller tartiner sur les pistes du Maroc ou si vous voulez goûter aux joies de la rando facile au long cours, nul doute que cette Yamaha saura vous séduire, d'autant que sa finition est toujours aussi soignée. Une chose est sûre : elle donne des sensations. Et dans le monde tel qu'on le connaît actuellement, c'est déjà très bien. A 9599 € le bout, on ne peut pas dire que ce soit une bonne affaire, même si elle se situe dans la norme pour une 450 enduro.
Points forts
- Moteur démoniaque
- Châssis sécurisant
- Suspensions efficaces
- Possibilité de régler la cartographie avec le Power Tuner
Points faibles
- Maniabilité perfectible
- Gabarit imposant
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