Essai moto Yamaha RZV 500R
GP 500 2 temps... de route !
V4 à 50°, 494 cm3, 100 ch, 134 kg
Les motards amateurs de sportives connaissent bien la Yamaha RD 500 LC, inspirée par l'YZR500 de Kenny Roberts. Lancée en France en 1984, la sportive nippone à V4 fut également connue sous le nom de RZ500 en Océanie et au Canada. Mais seuls les motards japonais ont eu le droit à la version RZV500R, bien plus légère, produite à seulement 1.600 exemplaires.
Découverte
La route est longue entre Okinawa, l'île la plus au sud du Japon et l'avant-poste le plus oriental de l'armée américaine de Cap Canaveral et la base de décollage de la NASA, un tiers du tour du globe pour être précis. Mais pour le major de l'US Air Force Wyn Belorusky Jr. et les quatre missiles routiers Yamaha RZV500R qu'il a amenés aux Etats-Unis avec lui, ce fut un voyage de renaissance quand il échangeât le Japon sub-tropical pour la côte de Floride après trois ans en tant que pilote de C-130. Depuis, tous les dimanche matin, il mène des raids répétés pour maintenir son escadron de Yamaha prêt à l'action. Après une carrière de 17 ans dans l'US Air Force, Wyn a été mis à la retraite avec une belle pension versée par l'Oncle Sam en ce début d'après-guerre Froide.
Je suis de nouveau un motard grâce au gouvernement américain. Au lieu d'être payé par le Pentagone pour envoyer des fusées dans l'espace, Washington me donne le budget nécessaire pour jouer avec des fusées à deux roues sur la route. Je dirais que c'est plutôt un bon dividende paix, n'est-ce pas ?
Difficile de contester ça, d'autant plus que la dernière arme de Wyn est un chef-d'oeuvre de l'art moto capable de susciter autant d'admiration sur le parking d'un McDonalds local que sur le Daytona International Speedway à proximité. C'est sans doute la moto que les ingénieurs Yamaha rêvaient de construire en 1984 lorsque la première réplique de course 500 cm3 deux temps - la RZ/RD500LC - fut lancée. Le public ne s'y attendait pas et les comptables non plus ! Ce sont eux qui freinèrent, réticents à accorder une telle expression de liberté à une moto déguisée en routière par ses ingénieurs de course.
Si la RD500LC a été présentée pendant ses deux années de production en 1984 et 85 comme la moto de Roberts et Lawson avec des phares, ce n'était pas vraiment le cas. Il s'agissait plus d'une RD350LC sous régime stéroïdien après que les chirurgiens aient doublé sa puissance au banc, simplement en couplant deux bicylindre de RD250LC dans un carter commun pour créer un V4 à 50° avec un sérieux potentiel de performances.
L'ère du Superbike moderne commençait à peine avec des motos comme la FZ750 à 20 soupapes, sans parler de la RC30, qui allait permettre à Honda de réécrire les normes des sportives. Ainsi, la RD500LC, comme la Honda NS400 ou la Suzuki RG500, sont à la place devenu une simple mention de bas de page dans l'évolution des motos japonais. Ce faisant, elle devint également une moto culte dont 8.000 exemplaires ont été construits en deux ans, selon l'International RZ/RD Owners Group dont fait partie Wyn Belorusky.
Parmi celles-ci, la majorité était des motos à cadre acier produisant 87 chevaux à 9.500 tours/minute (78 ch à la roue arrière) pour les marchés européens, canadien et australien. Le V4 2 temps quant à lui n'a jamais été officiellement importé aux Etats-Unis.
Aux côtés de celles-ci, 3.700 versions au cadre en aluminium ont été produites exclusivement pour le marché domestique japonais sous le nom RZV500R, avec un moteur bridé à 64 chevaux pour se conformer à la législation japonaise. La RZV constitue le premier modèle de série Yamaha avec un cadre en alliage. Et c'est également le premier modèle deux temps avec un arbre d'équilibrage, ici monté entre les deux vilebrequin contrarotatifs et entraîné par engrenage sur le vilebrequin avant pour éliminer les vibrations du moteur à clapet. Le moteur comprend également deux dispositions d'admission différentes pour les deux paires de cylindres : la paire inférieure est alimentée par des clapets montés sur le carter, la paire supérieure utilisant des clapets montés sur le cylindre. Les deux vilebrequins sont entraînés directement à l'embrayage à bain d'huile et la boite de vitesse six rapport de type cassette est extractible depuis le côté droit, sans avoir besoin d'ouvrir le carter.
En tant que sérieux fan de GP 500, être en poste au Japon a ouvert un énorme champ de possibilités à Wyn Belorusky.
J'ai fait de la moto depuis ma vingtaine, mais quand j'ai été affecté à Okinawa. J'ai vendu ma 900 Ninja parce que je SAVAIS que j'allais acheter un deux-temps Yamaha dès que j'y serais. C'est une moto qui ose la différence et qui a l'époque était le fruit défendu pour nous autres Américains. Avec mes 1.90 m et mes 109 kg, j'étais automatiquement disqualifié pour piloter une 250 ou une 350, il fallait donc que ce soit la V4!
De retour chez lui trois ans plus tard, Wyn a commencé à concocter l'ultime sportive de GP avec des phares sur la plus récente de ses RZV, une moto de la fin 1985 qu'il entendait rapprocher le plus possible d'une 500 GP en conservant l'homologation de route. Objectif qu'il a accompli avec l'aide de son ami Steve Cisewski.
Je peux proposer des idées et fabriquer des pièces, mais je ne peux pas souder. Steve assemble les pièces que je fabrique. Nous sommes une bonne équipe.
Le premier objectif était de rigidifier le châssis d'origine pour encaisser plus de puissance et des charges de suspensions supplémentaire, tout en parvenant au look de cadre Deltabox GP que Wyn souhaitait. Cela signifiait ajouter une section en aluminium supplémentaire sous l'originale pour en doubler l'épaisseur, la souder et la fraiser pour donner l'impression que c'était d'origine et recouvrir l'ensemble d'une peinture noire. Le té de fourche et les supports moteur arrière ont tous été renforcés, le sous-cadre a été rendu amovible et le cadre nettoyé avec la suppression des pattes inutiles. Le tout a été équipé d'un bras oscillant de Suzuki GSX-R 750 de 1994 modifié pour fonctionner avec l'amortisseur Öhlins d'origine de la RZV, raccourci de 20 mm pour conserver l'empattement de 1.375 mm et "bananisé" pour permettre aux silencieux des cylindres inférieurs de sortir côte à côte à droite, tout comme sur une véritable GP.
Une GSX-R750 de 1996 a fait don de sa fourche inversée Showa de 43 mm entièrement réglable qui se retrouve dans des triples tés en aluminium usinés par Wyn et équipée d'une colonne en titane, tout en conservant la géométrie d'origine de la RZV500R avec un angle de chasse de 26° et une traînée de 95 mm. Pour remplacer les petites roues d'origine de 16 et 18 pouces, Belorusky a acheté une paire de jantes Marchesini en aluminium moulé de 17 pouces chaussée de pneus Dunlop D207 et pourvue de moyeux en titane réalisés par Yoyodyne (New Jersey), qui a également fourni le disque arrière en titane de 190 mm. Les disques de frein avant PFM en acier sont mordus par des étriers Tokico 6 pistons également repris de la GSX-R de 96, l'arrière est un Brembo. Le reste de la moto comprend de nombreux éléments réalisés par Wyn comme le tableau de bord en carbone, les repose-pieds, la pédale de frein, le sélecteur de vitesse ou encore les leviers de freins et d'embrayage, tous deux taillés dans la masse.
La moto est revêtue d'un carénage intégralement réalisé en fibres de carbone et provenant du moule utilisé en 1991 par le Team Roberts pour la YZR500 de Wayne Rainey. Une paire de phare de 55 W a été ajouté. Le réservoir de carburant en fibre de carbone intègre le réservoir d'huile pour le système de lubrification Posilube. L'utilisation de ces matériaux et l'élimination de tout élément inutile ont permis à Belorusky de réduire le poids à sec de la moto à seulement 134 kg contre les 180 kg d'origine !
Pour fournir une puissance adaptée, Belorusky a fait appel au préparateur moteur BJ MacDonald pour faire passer la puissance de série du modèle japonais de 64 chevaux à quelque chose plus proche des 100 chevaux. Cela impliquait de conserver les cylindres du V4 à 50°, qui conserve toujours son système d'origine YPVS, de redessiner les culasses, resynchroniser l'allumage d'origine puis installer quatre carburateur Mikuni de 28 mm pour remplacer ceux de 26 mm. Ces derniers sont surmontés de filtres K&N pour alimenter chaque cylindre à travers des collecteurs d'admission à 90° puis via des boites à clapets de RD350LC modifiées par Kevin Cameron et associées à des clapets de TDR. Des pots de détente de type course sont placés, chacun réalisés par Harry Barlow (supérieurs) et Brian Turfreu (inférieurs), mais les silencieux et leurs supports en aluminium sont l'oeuvre de Wyn.
En selle
Maintenant que j'ai découvert la bête, je cherche un tronçon tranquille de la Central Florida Highway et quelques virages pour me faire une idée concrète de la première moto 2 temps de 500 cm3 avec laquelle je roule depuis longtemps. Pour être précis, depuis la Bimota 500 Vdue d'il y a 20 ans et de son injection défectueuse. Alors, comment la 500 de Wyn se place-t-elle face à sa rivale italienne ?
Eh bien, pour quelqu'un qui a la eu la chance de tester une flotte de GP500 d'usine du milieu des années 80, la RZV500R Yamaha de Wyn Belorusky représente à la fois un voyage dans le passé et un aperçu utopique de ce qu'aurait pu être la scène sportive actuelle si les deux temps étaient toujours là.
Ce qui est le plus remarquable et surprenant, c'est que l'arme de Wyn devrait être si bien élevée, utilisable même à des vitesses légales. Rappelez-vous qu'aux Etats-Unis cela se traduit par 35 mph (56 km/h) sur de nombreuses routes où l'on roule à 90/100 km/h en Europe et une limite absolue de 75 mph (120 km/h) sur les autoroutes et 4 voies. Peut-être à cause de ça, Wyn a baissé les rapports, de sorte que les 11.500 tr/min auxquels les 100 ch sont livrés permettent d'atteindre les 210 km/h avant que le rupteur ne se déclenche. Un point confirmé par l'improbable compteur de vélo Avocet 45 monté sur le tableau de bord qui a enregistré 172 km/h lorsque le compte-tour au style 80's affichait 9.500 tr/min. J'aimerais quand même savoir quand et où un cycliste est parvenu à atteindre de telles vitesses sans déjanter ou tomber d'une falaise. Peut-être en faisant du VTT sur neige sur un glacier himalayen ?
En revanche, rouler le long de la côte de la Floride au guidon de la Yamaha RZV500R a montré une accélération vraiment impressionnante à tous points de vue, en particulier pour une moto sportive homologuée ne pesant que 134 kg, soit seulement 4 kg au dessus de la limite de poids des 500 GP ! Et c'est en comptant tous les équipements nécessaires à la certification de la moto pour les routes de Floride. En revanche, ils n'ont pas fait d'inspection spécifique de type MoT/TüV, ce qui aide indéniablement pour ce type de machine.
Je n'aurais pas fait homologué la moto en Californie. Ils ont trop de règles inutiles dans l'Ouest : la Floride est la terre des libres ! Allez rouler !
Major, oui major ! Alors je l'ai fait. Je n'ai fait qu'obéir aux ordres.
Essai
Même avec les plus petites roues de 17 pouces, la Yamaha ressemble à une sportive de GP de la fin des années 80 et est paradoxalement plus petite que la plupart des motos 4 cylindres de la dernière génération de GP 500. Elle semble vraiment très petite pour une 500 V4, légère et assez compacte bien que les repose-pieds soient très haut en conséquence de l'excellence des Dunlop D207 qui accrochent bien plus loin que les slicks de GP de l'époque !
Le démarrage au kick (il n'y a pas de démarreur électrique) est une compétence qu'il faut détenir mais qui me rappelle la fois où j'ai piloté la Sonauto Yamaha TR750 d'endurance durant le Bol d'Or. Elle avait le kick attaché au carter d'embrayage. Persuader la RZV500R de démarrer se fait un peu de la même façon, mais une fois que l'on a pris le coup c'est facile.
Le levier d'embrayage semble un peu dur au début, jusqu'à ce qu'on réalise que c'est parce que Wyn l'a raccourci pour économiser quelques grammes, réduisant ainsi l'effet de levier de ce dernier. Bien sûr, cela n'a d'importance qu'au rétrogradage car l'action de la boite de vitesse reste suffisamment nette et précise pour faire croire à une GP et permette un changement sans débrayer. La Yamaha est coupleuse et facile à conduire en ville, tirant proprement dès le ralenti de 1.500 tr/min avec pratiquement aucun embrayage et acceptant le plein régime dès 2.500 tr/min, sans à-coup de transmission ou hoquet comme avec le plus petit carburateur d'origine. Les quatre Mikuni sont parfaitement calibrés, permettant des courses sprint de 5 minutes pour aller chercher le lait ou des promenades GP de 20 minutes vers le McDonald's local, aussi facilement que sur un scooter ou un roadster. C'est le cas du point de vue du moteur, car la position de conduite typée course avec les guidons abaissés et le poids sur les avant-bras, ainsi que le rayon de braquage pathétique et la mauvaise maniabilité à basse vitesse en font une moto que vous aurez plus envie de faire passer devant le McDo que par la file du Drive...
Mais prenez la direction d'une route plus ouverte, faites monter le régime et chauffez le pneu arrière sous le son remarquable des quatre silencieux et préparez-vous à être impressionné.
Si elle se contente de se promener en ville, elle offre cette promesse constante de vouloir mettre la gomme sur piste de dragster dès que vous tombez un rapport ou deux et mettez les gaz. Quand on le fait, on sent une montée de régime plus rapide quand les clapets s'ouvrent en grand à 6.000 tr/min, puis dès 7.000 tours on ressent un coup de pied supplémentaire qui pousse la roue avant à se lever et flirter avec l'asphalte. Mais ce n'est pas une puissance explosive qui fait déraper la roue arrière et vous envoie au tapis si vous êtes sur l'angle dans une courbe, c'est juste une appétit soudain et plus prononcé pour les régimes, appétit que vous avez hâte de satisfaire de la main droite.
En arrivant à la puissance maximale à 11.500 tr/min, 2.000 tours plus haut que sur la RZV500R d'origine, le V4 arrête de tirer. Il est temps de passer un rapport, facilement avec le petit sélecteur. Jouer avec les rapports pendant que l'on accélère dans les plaines de Floride offre des performances véritablement addictives, au moins aussi impressionnantes et beaucoup plus accessibles que ce dont je me rappelle avec la Bimota Vdue, pourtant de puissance équivalente.
Partie cycle
La raison pour laquelle une simple moto de cent chevaux vous procure un tel frisson est en raison de son poids plume et de cette cure d'amincissement appliquée par Wyn, qui porte en plus ses fruits en terme de maniabilité. La fourche Showa et la suspension Öhlins sont assez rigides, mais les taux d'amortissement sont bien choisis pour une machine aussi légère sur route. Ainsi, la direction de la Yamaha sera brièvement secouée avant de revenir à la normale en passant sur une route abîmée sur l'angle et la moto absorbe bien les bosses de la route, avec un sentiment d'équilibre. Le fait que la géométrie de direction de la RZV soit plus début-80's que fin-90's signifie qu'elle n'est pas trop radicale et sans doute mieux adaptée à la route, tournant de manière précise dans les virages serrés que j'ai pu rencontré dans le centre de la Floride.
Freinage
La Yamaha est assez stable sur les freinages intensif grâce aux excellents disques avant PFM. Ils offrent beaucoup de feeling et permettent de se débarrasser de tout excès de vitesse d'un simple toucher, ce qui permet de s'aligner correctement pour entrer en courbe. En fait, l'ensemble du châssis semble pouvoir gérer un peu plus de puissance et de performance que ce que propose le moteur modifié, grâce au package créé par Wyn en doublant le cadre pour renforcer la rigidité sans rajouter trop de poids.
Conclusion
Cette moto n'est pas juste une collection de belles pièces qui rendent bien mais roulent mal, mais un projet soigneusement développé et progressivement ajusté qui se rapproche honnêtement le plus d'une GP 500 homologuée pour la route. Et pour prouver à quel point elle est pratique à rouler régulièrement, Belorusky a accumulé plus de 34.500 km sur route sur la moto depuis le début de son projet. Imaginez rouler quotidiennement sur une GP 500 pour aller au boulot !
Points forts
- Accélération
- Moteur
- Légèreté
- Freinage
Points faibles
- Maniabilité en ville
- Position de conduite
Commentaires
La YZR 500 OWD3 en anniversaire avec les mêmes stats 160ch 130kg...
01-07-2020 14:14ohlala
Voilà, c'est ça qu'on veut : des motos moins puissantes mais légères au lieu de monstres lourds.
01-07-2020 18:10Il vaut mieux 100 cv pour 160 kg que 170 cv pour 210 kg.
De 1984 à 1989 Suzuki à commercialisé à environ 1500 exemplaires la RG 500 Gamma, une 4 cylindres 2T en carré (!) qui faisait 95 CV pour 154 kg à sec... et 230 km/h. Une bête de course sur la route.
01-07-2020 18:47Vraiment pas un manche ce Wyn. Ces modifications ont vraiment des finitions de dingue. Le doublage de cadre était courant chez les préparateurs ?
02-07-2020 11:07Pour l'anecdote du vtt, le record du monde c'est le jeunot français Eric Baronne qui le détient sur neige à 227km/h, à Vars il me semble. Il a essayé une fois sur de la terre d'un volcan, mais ça s'est mal passé...
Parmi celles-ci, la majorité était des motos à cadre acier produisant 87 chevaux à 9.500 tours/minute (78 ch à la roue arrière) pour les marchés européens....
05-09-2020 19:53Etrange car un RG500 sort stock 75cv à la roue et oublie la RDLC...
qui en fait 10 de moins en réalité, soit si je compte bien 65cv,
et pas ces 78cv.