Essai Moto Guzzi California Aquila Nera
La version dépouillée de la Calif' pour 3000 euros de moins
Si pour vous la California évoque les motos de la police américaine, vous serez surpris de découvrir ici une version dépouillée, dépourvue de sacoches et de pare brise, justifiant ainsi un écart de 3000 € avec la superbe « vintage » que vous aviez sans doute en tête. Icône de Moto Guzzi, la California nous joue ici sa partition de l’éternel retour avec une « nouvelle version » baptisée Aquila Nera (Aigle Noir). L’occasion de nous pencher sur un mythe aussi incontournable que sympathique…
Découverte
Revêtue d’une peinture noire mate façon « Ducati Dark », la calif’ ne fait pas l’impasse pour autant sur un peu de luxe. Sous le soleil Romain, ses chromes brillent de mille feux. Tableau de bord, silencieux, couvres culasses, marche pieds, guidon, rétroviseurs, poignée de maintien et autre caches masquant l’injection sont là pour vous éblouir les yeux. Les mauvaises langues diront que ce n’est pas du luxe sur une machine de 13400 € à la technologie pour le moins ancestrale… oui, mais c’est justement pour ça qu’on l’aime, un peu comme une Harley. D’ailleurs sa technologie, n’est pas ancestrale, elle est simplement immuable, c’est différent.
Créée en 1921 Moto Guzzi aura 90 printemps l’année prochaine. La firme historique de Mandello del Lario décline aujourd’hui sa gamme autour d’une architecture unique : le moteur en V refroidi par air positionné longitudinalement avec une transmission par arbre. Cette ossature qui constitue « le tronc commun » est le fruit de l’imagination de l’emblématique ingénieur Cesare Carcano dit « Jules Césars » Créateur de la célèbre Guzzi V8 en 1956, c’est aussi lui qui a imaginé la Fameuse V7 en 1967. 43 ans plus tard elle fait toujours figure de standard pour la marque Italienne et sans doute pour très longtemps encore. Précisons que le terme longitudinal fait référence à l’axe du vilebrequin et donc que paradoxalement, ce sont les Ducati qui ont un moteur transversal Grâce à une sortie de boîte longitudinale, le choix de ce positionnement se marie fort logiquement avec une transmission secondaire par arbre, puisqu’on évite ainsi l’utilisation d’un renvoi d’angle, contrairement à une BMW série K avec son 4 cylindres en ligne transversal par exemple. Si toute les Guzzi ont une transmission par arbre, les solutions proposées sur la gamme sont différentes. La California dispose de la plus rustique avec un pont arrière rigide.
En selle
Basse de selle (780 mm), la California met immédiatement son pilote à l’aise. Même les moins de 1,70 M poseront facilement les pieds au sol et le poids placé bas ne rend pas les manœuvres trop pénibles. Le gabarit n’est pas imposant et les proportions de la machine n’ont rien de commun avec une GoldWing et autres grosses GT carénées. Seul problème au moment de partir, il faut enlever la béquille latérale… c’est à ce moment que vous regretterez de ne pas faire plus de 1,70 m, car il faut être contorsionniste pour l’attraper…
Au guidon, pas de surprise, l’instrumentation est classique comme on peut l’imaginer sur un tel modèle. Compteur et compte-tours à aiguilles, témoins de réserve et deux petits afficheurs digitaux indiquant les kilomètres et la température extérieure, fort douce d’ailleurs le jour de notre essai. Le compte-tours ne comporte pas de zone rouge, mais nous verrons très vite que c’est totalement déplacé sur cette machine. La position est naturelle, on est assis comme un pacha, les rétros sont efficaces, les commandes tombent bien sous les mains… Mais moins bien sous les pieds. Les marchepieds c’est bien, mais la pédale de frein est trop haute. Pour y accéder il faut soit relever le pied, soit le poser sur un petit ergot de la pédale, ce qui réduit l’intérêt des marchepieds. Côté gauche, même surprise avec le sélecteur à double branche qui impose un maniement particulier, même s’il est assez intuitif. Il faut en effet monter les rapports en agissant avec le talon sur la branche arrière. Pas évident, mais on s’y fait très rapidement, d’autant que les changements de vitesses sont rares.
Contact
Le moteur fait sentir sa position longitudinale dès la mise en route. Le moindre coup de gaz provoque un petit basculement de la moto du fait du couple de renversement, mais là encore rien de gênant. Doté des culasses double allumage et d’un équipage mobile de la Breva, il est plus alerte qu’on ne l’imaginait et sa sonorité est à la fois grave et agréable. Il est temps d’y aller.
En ville
Avec son centre de gravité bas la moto possède un bon équilibre naturel qui fait vite oublier le poids, une fois qu’on a réussi à ôter la béquille. Le moteur très souple ronronne et faire de la ville avec cette 1100 n’a rien d’un calvaire. Le grand guidon offre un levier important qui assure une maniabilité très correcte. Un vrai bonheur. Parfois, on peine un peu à retrouver le point mort, mais avec l’habitude on anticipe et on le passe juste avant l’arrêt ce qui est très facile. Une épreuve agréable, d’autant que le moteur répond avec une vigueur sympathique quand le feu passe au vert.
Autoroute
Cette fois à nous les grands espaces. Une fois accrochée la cinquième on enfile les kilomètres comme des perles bien installé sur la selle confortable, les pieds posés à plat sur les marche pieds. C’est le bonheur, on file le nez au vent car cet « aigle noir » ne dispose pas du pare-brise (ni des pares jambes) de la vraie calif’. C’est dommage certes, mais comme nous l’avons dit au début, c’est pour ça qu’elle est moins chère. Les vibrations ne se font pas sentir et à son guidon on irait au bout du monde. Les 73 cv du moteur à 6400 tr/mn suffisent à vous emmener à 130 (et même beaucoup plus), mais qu’à cela ne tienne, vous vous fichez de savoir à combien vous roulez, puisqu’à son guidon, le plaisir, justement, c’est de rouler.
Nationales
Voilà un terrain de jeu où vous apprécierez plus encore la California, car avec les phases d’accélération et de freinage, elle peut mettre en avant les qualités de son moteur et de son châssis. Les reprises sont excellentes, la tenue de cap parfaite et le freinage tout à fait à la hauteur. Il n’y a que les changements de vitesses qui demandent un peu d’attention car la boîte est lente.
Départementales
C’est ici que vous découvrirez que la calif’ n’est pachyderme … que ça. Celle que l’on aurait pu prendre pour une bonne grosse mère s’y révèle plutôt alerte. Les pneus étroits y sont sans doute pour beaucoup (110 AV et 150 AR). En outre, sa garde au sol tout à fait satisfaisante permet de belles vitesses de passage en courbe sans appréhension. Il faut simplement ne pas brusquer la bête, car les kilos sont là tout de même. Cependant, si les réactions sont un peu lentes, elles ne sont jamais vicieuses. Ça freine, ça tient par terre et, bien mené, ça soutient un rythme qui en étonnera plus d’un dans une parfaite sérénité. Seul bémol à ce tableau quasi idyllique : la boîte de vitesses qui avoue son âge canonique et se transforme en rendez-vous de faux points morts quand vous essayez de lui faire accélérer le rythme. Si vous ne voulez pas comprendre qu’elle est lente, elle se charge de vous rappeler qu’elle n’est pas rapide. C’est incontournable…
Freinage
C’est incontestablement un des points forts de cette moto, une qualité que l’on n’attendait pas sur une « GT à l’ancienne ». La paire de Brembo 320 mm avec des étriers 4 pistons série or fait un boulot remarquable, à condition d’agir simultanément sur le levier et la pédale. En effet, le disque droit est commandé par la poignée, alors que le gauche est couplé au disque arrière de 282 mm (étrier 2 pistons). Une variante très réussie sur le thème du freinage intégral cher à Moto Guzzi. En conduite relaxe, on ne freine qu’au pied, la moto restant bien horizontale.
Confort
Un autre point fort de la California avec sa selle accueillante et sa position de sénateur. La fourche avant de 45 mm réglable (compression à gauche, détente à droite) fait très bien son travail, c’est moins évident du côté des amortisseurs arrières réglables eux aussi en détente et précontrainte. Ils sont un peu secs sur les petits chocs, mais leur faible course (96 mm) et la masse non suspendue importante (pont rigide) y sont sans doute pour beaucoup. Dommage, car le reste est parfait et le passager bien traité avec une selle vaste et confortable, des reposes pieds placés bas et une vraie barre de maintien. Autre détails agréables pour lui, le moteur souple et sans à-coups alliés à une conduite coulée sur ce type de moto.
Consommation
Peu sollicité, coupleux, le moteur n’est pas gourmand. Comptez une moyenne de 5,5 L/100, soit une autonomie d’un peu plus de 250 km avant de passer la réserve. Le réservoir fait 19 litres dont 4 litres de réserve.
Pratique.
Dépourvue des sacoches, des pares jambes, du pare brise, la version Aquila Nera n’est pas vraiment parée pour vous emmener faire un voyage au long cours. Il vous faudra taper dans la gamme des accessoires ou des options pour la transformer en vraie GT. Un porte bagage avec un top case 2 casques résoudra le problème à moindre frais. Sachez à ce propos que les sacoches optionnelles pour vastes qu’elles sont ne peuvent accueillir un casque intégral.
Conclusion
Alors Calif’ ou pas Calif’ ? Qualif’ sans hésitation ! Du haut de sa selle 40 ans d’histoire vous contemplent. Et il y a fort à parier que ça durera encore. En effet si Moto Guzzi est conscient que la concurrence cube entre 16 et 1800 cc, la firme n’a pas les moyens de développer un nouveau moteur. Mais à l’heure du « down sizing » (réduction de cylindrée pratiquée en automobile), la Calif’ n’est elle pas en avance sur son temps ? Mine de rien, elle pèse aussi 100 bons kilos de moins que ses concurrentes. Alors à quoi bon plus de cylindrée ? Proposée 3000 € moins chère que la Vintage cette « Aquila Nera » (comme la « Classic ») est une « vraie » Calif’ : roues à rayons, position de conduite super relaxe, moteur très sympa, font oublier une boîte d’un autre âge et des amortisseurs arrières un peu raides. Une moto « d’époque » particulièrement attachante et facile à balancer …. Un vrai bonheur. A posséder une fois dans sa vie de motard, pour être cool, mais pas mou du genoux.
Points forts
- le caractère moteur très sympathique
- le comportement routier sain et efficace
- la position de conduite et le confort
Points faibles
- les amortisseurs arrières un peu raides
- l’ergonomie des commandes au pieds (y compris la béquille latérale difficile à replier)
- la boîte de vitesses lente
Concurrentes : Kawasaki VN 1600.
Conditions d’essais:
Itinéraire: Environ 150 km autour de Rome sur petites routes variées un peu de ville au centre de Rome Kilométrage de la moto : 650 km
Problème rencontré : être tombé sous le charme de cette vieille italienne.
Commentaires
Benh dit comme ça ,cette pseudo vieille moto que j'ai toujours trouve sympathique me fait maintenant envie
02-10-2011 15:50Elle me fait envie depuis toujours (mais pas tellement dans cette version). L'essai ne le mentionne pas, mais ce n'est pas vraiment une moto pour les plus de 1m85 (ou alors il faudrait remplacer les platines pour des reposes-pied normaux).
02-10-2011 17:39