Essai Harley-Davidson CVO Road King
Bagger classique de luxe
Bagger incontournable de la marque Américaine, la Road King se décline cette année en version CVO (Custom Vehicle Operation), sublimant sa plastique et sa mécanique. Issue du pays de la démesure, la souveraine des routes se pare d'atours remarquables, dont son twin 110 est l'élément le plus enchanteur.
Apparue en 1995, cette routière au style suranné conserve un charme séducteur. Icône de la gamme touring, la Road King se décline à nouveau, pour 2013 en ultra haut de gamme CVO (Custom Vehicle Operation). Cet acronyme réduit en trois lettres un luxe maximal et cache le meilleur de l'artisanat mécanique de la Motor Company. Cette production spéciale, très réduite, d'une sélection de modèles fait appel à l'expertise d'un unique technicien pour son montage mais à une multiplicité de talents. Summum esthétique et mécanique réservée aux fidèles les plus prompts à dégainer leur chéquier, la Road King CVO mérite d'autant plus son appellation souveraine.
Découverte
Longue et imposante, le monarchie routier impose tant sa plastique que la brillance de ses atours. Seuls son patronyme et son cadre réunissent modèles courant et spéciaux. Pour le reste, cette machine ne se pare que d'éléments spécifiques. A commencer par sa livrée unique réalisée à la main.
Pour 2013 des motifs "Fusion" habillent le rouge sombre du réservoir, des flancs, garde-boue et sacoches. Sous son nouveau pare-brise fumé doté d'un volet d'aération orientable, l'optique se fait, hélas, moins présente. Pas d'inquiétude, ce large déflecteur se retire en un tour de main, sans outils, pour flâner en ville ou à faible allure. La ligne pure du bagger est alors sauve. Encadrant le feu, la fourche non ajustable de 43 mm, intégralement garnie de caches chromés, surplombe une roue de 19 pouces relevant la proue de l’américaine. D'autant plus que la poupe se tient, elle, sur une jante réduite d’une unité. La belle se campe sur des jantes rutilantes de type "Agitator" à sept branches dont les moyeux cachent les capteurs d'ABS. Cette brillance rendrait sûrement inutile la pose de pneumatique à flancs blancs. Les Dunlop D408 F (180x55) et D407 (130x55) sont donc classiquement noirs.
Inévitablement de type goutte d'eau aplatie, le bidon de 22,7 litres reçoit également un médaillon "Skull" vintage en nickel brossé. Un platine d'instruments couvre sa longueur, plongeant vers une assise généreuse. Cette selle solo s'adjoint un pouf passager amovible, spécialement développé pour le CVO Road King. Un dosseret sissy-bar cale également votre accompagnant pour un meilleur confort. Enfin, deux amortisseurs hydrauliques réglables en pré-contrainte suspendent la boucle arrière. Difficilement accessibles, ils nécessitent la dépose de la bagagerie. Celle-ci masque également la traditionnelle transmission par courroie crantée. Un dernier regard fait admirer les rampes de clignotants fumés encadrant un long garde-boue supportant un feu arrière massif ceinturé de chrome.
De part et d’autres, les valises spécifiques intègrent deux des 4 hauts-parleurs composant le système Harman Kardon. Pas moins de 200 watts alimentent l’ensemble ! La valise de droite comporte le support pour lecteur MP3 Apple (iPhone, iPod...), celle de gauche, dont la jonction électrique n’est pas très heureuse, intègre un ampli. L'iPod Nano Harley-Davidson 8 Go est offert... Les deux dernières enceintes prennent place dans les pare-jambes, encadrant le moteur, ou deux trappes permettent également d’ajuster le flux d’air sur les membres inférieurs.
Ce qui profite aussi au moteur. Véritable ode à l’élément Cr24, le Twin Cam 110" spécialement dédié au CVO impose son esthétique rutilante de 1 802 cm3. Seul le léger contraste de son enveloppe grise granitée tranche avec la profusion de surfaces brillantes. Filtre à air et culasses reçoivent la prestigieuse signature Screamin’Eagle mentionnant les caractéristiques uniques du bloc. V-twin longue course à 45° refroidi par air, ce moteur issu du département course Harley Davidson développe 15,9 da.Nm de couple à 3 750 Tr/mn et 95 ch à 5 200 tr./mn. Double arbre à cames, taux de compression élevé, ouverture des cames à longue durée ainsi qu’une programmation plus agressive de l’allumage et l’injection en font la mécanique la plus démonstrative de la marque. Pour la diriger, la transmission est à 6 rapports dont le dernier est de type Cruise Drive afin de réduire le régime moteur sur long parcours autoroutier.
Enfin, l’option EITMS (gestion de température moteur au ralenti) peut automatiquement couper l’alimentation en carburant du cylindre arrière au ralenti, permettant de réduire la chaleur généré. Un plus fort utile en ville l’été... Le souffle du twin, toujours habilement syncopé au ralenti, est dirigé par des collecteurs deux-un-deux vers les longue flutes miroitantes dotées d’embouts ouvragés.
Pour contenir tant de caractère et un poids respectable de 380 kg, le freinage Brembo ABS oppose deux étriers avant à quatre pistons mordant des disques de 300 mm et un système identique mais solo à l’arrière. De quoi museler théoriquement tout débordement imprévu.
En selle
Posé à seulement 695 mm du sol, l'assise tient plus du coussin de salon que d'une selle de moto. Guère étonnant quand on sait qu'à Milwaukee, une entité est dédiée à leur développement. Analyse de la répartition des masses, des chocs, point de compression… Le confort est à la hauteur du travail. Seul la position, dos légèrement arqué vers l'avant, peut demander un peu d'habitude.
Imposantes, les platines repose-pieds intègrent un double sélecteur type balancier pour descendre les rapports au talon. Les marchepieds du passager, réglables en hauteur, améliorent le confort de votre compagnon de voyage. Large, le guidon participe à cette sensation de chevaucher une créature mécanique de légende. Levez les bras et attrapez les commandes surdimensionnées du cruiser. Leviers épais, bocaux d'hydraulique, cabochons des clignotants… tout est de métal étincelant, allant même jusqu'à strier le caoutchouc des poignées. Les poussoirs affiches également de bonnes dimensions mais leur positionnement reste toujours un peu trop éloigné des mains. Au rayon inférieur se trouvent, de l'extérieur vers l'intérieur et de chaque côté, les boutons d'audio et de régulateur de vitesse. Volumes et mise sous tension du cruise control à gauche, et choix des titres et modulateur de vitesse à droite. Enfin, ne cherchez pas les warnings, actionnez simultanément les clignotants. Ces indicateurs de directions cessent également de s'activer après quelques secondes.
Le vaste cintre plonge vers un massif té supérieur supportant le blocage de direction. Très surannés, deux poussoirs basculant fixés sous celui-ci commandent d'optionnels feux additionnels. Sous vos yeux s'étire une console métallique, recevant le contacteur pivotant et, au sommet, les instruments. Regroupés dans un compteur circulaire à fond métallique brossé, on recense un tachymètre où s'incruste un compte-tours et, dans une fenêtre digitale, deux partiels, témoin de rapport engagé, système de diagnostic moteur, décompte de passage en réserve. Complet et qualitatif, l'ensemble serait plus agréable avec un graphisme plus aéré. A sa droite, on retrouve le bouchon de réservoir, affleurant le bidon, que l’on dégage par un système pop-up. A gauche, non… ce n’est pas une deuxième ouverture mais bien la jauge de carburant. Quasi illisible en plein jour (mais la fonction Range (autonomie) y pallie), la mesure est indiquée par des leds qui s’éteignent successivement.
Avant de relever la longue béquille, on ne regrettera qu'un agencement de faisceau électrique trop sommaire sur la colonne de direction. Celle-ci, comme le cadre, mériterait une peinture satinée ou mate afin de mieux "disparaître" au sein de la sculpturale Américaine.
En ville
Le démarreur secoue lentement l'ample twin pour révéler enfin son chant caractéristique. Subtilement décalé, l'allumage de chaque cylindre de 901 cm3 secoue doucement la machine au ralenti. Les vibrations s'estompent ensuite lors des montées en régime mais restent suffisamment sensible pour ne point affadir la légende.
La première accélération met en avant l'onctuosité du Screamin'Eagle 110". De même, sa souplesse est bienvenue entre les murs des cités. On abuse alors du charme de sa mécanique syncopée, poussant le bloc à la limite de de son évanouissement. Certes plus policé que ses déclinaisons inférieures, ce bi-cylindre est aussi plus énergique, emportant l'équipage avec vigueur dans le flux urbain. Doté d'un remarquable équilibre, la RoadKing s'y déplace avec une certaine aisance, autorisant même un interfile mesuré. Seuls les claquements d'une boite un peu viril et un point mort difficile à sélectionner viennent perturber ses évolutions. Egalement, ses près de quatre quintaux sont sensibles en manoeuvre, tout comme sa longueur. Centre de gravité placé près du sol et guidon large atténue la réalité de cet encombrement conséquent. A la belle saison, cette relative facilité se révèle primordiale pour limiter que suées que le twincam contribue à provoquer, dégageant nombre de calories. Pour éviter la surchauffe, machine et pilote demandent à filer vers les grands espaces.
Autoroute et voies rapides
L'aigle prend enfin son envol et n'usurpe en rien son appellation "Screaming". Rugissant avec élégance et prenant rapidement ses tours, on sent en lui une certaine sportivité. Coeur de fer dans un écrin de velours, la Road King CVO joue sur deux tableaux. Cruiser de luxe ou les kilomètres s'égrènent sans effort, overdrive et régulateur enclenché, l'Américaine sait se faire plus sauvage. Toutefois, ses performances absolues sont relatives, portant la souveraine Harley à un maximum de 180 km/h.
Au standard autoroutier, le ronronnement délicatement hoquetant et le souffle feutré des échappements suggèrent d'ajouter une rythmique plus musicale encore. Montez le son et laisser parler l'ensemble audio. Derrière le pare-brise, l'écoute est fort agréable, tout comme la protection aux flux d'air. A vous les virées lointaines que votre monture saura transformer en mythe. Sans oublier de prendre la tangente vers des espaces plus sauvages et moins rectilignes.
Départementales
Sur le réseau secondaire, la Road King CVO donne le meilleur de la Motor Company à chaque accélération. Le bloc 110" n'en finit plus de séduire l'équipage. Plus encore que ses performances, c'est son caractère qui fait chavirer les sens. Les rapports intermédiaires font jouer au TwinCam sa partition favorite. Car celui-ci a été longuement travaillé en chambre acoustique ! Salle de 1 500 tonnes de béton, flottant sur 66 coussin d’air, aux murs couvert de 1 400 coins anti-écho en fibre de verre, cet espace voit le réglage en continu d’une machine jusqu’à atteindre la sonorité voulue...
Vrombissante, ses 15,9 da.Nm à 3 750 Tr/mn de couple mordent l'asphalte et relance avec vigueur l'Américaine en sortie de virage. Un agrément d'autant plus appréciable que la garde au sol s'avère très correcte, autorisant de dynamiques passages en courbe. Bien sur, on ne balance pas la reine de la route comme un vulgaire roadster. Le cruiser bascule plus qu'il ne plonge sur l'angle mais l'inertie est relative, efficacement domptée par une partie cycle équilibrée et suffisamment vive. La longue course de Milwaukee emporte alors puissamment l’équipage à chaque rotation de poignée de son couple ample et onctueux. Passé 4 000 tours, son comportement se fait presque sportif et envoie vivement l’aiguille du compte tour déclencher le rupteur à 5 700 révolutions/minute. Pas de précipitation cependant, la boite se montre peu rapide et nécessite de bien décomposer le mouvement. De plus, le sélecteur d’embrayage trop court oblige à rentrer le pied vers l’intérieur pour être manipulée.
Franches et facilement dosables, les décélérations se montrent à la hauteur des prestations de la machine. L’usage simultané des ralentisseurs avant et arrière à rythme soutenu est recommandé.
Au final, on regrettera un amortissement sec des amortisseurs, mettant d’autant en avant les qualités de la selle. La fourche travaille honorablement à lisser le parcours aidé par une monte pneumatique sans reproche. Dunlop D408 F et D407 encaissent efficacement couple et poids élevés.
Partie-cycle
Les grandes courbes bosselées feront doucement onduler la machine. Ses suspensions souples de custom en sont la cause. Rien d’inquiétant. La tenue de cap est bonne mais demande un peu d’engagement pour ne pas laisser sur-virer la Road King. On retiendra un équilibre général très flatteur et appréciable au quotidien.
Freinage
Peu d’attaque mais une puissance convaincante eut égard aux dimensions généreuses de cette Harley. L’étrier arrière assoit comme il faut la machine en courbe tandis que l’action de l’ABS se fait transparente.
Confort/Duo
En dépit de suspensions un peu trop limitées en hydraulique, le confort est excellent. Le mérite en revient tant à la sellerie qu’a une ergonomie étudiée.
Prendre place à bord, pour le passager, n’est pas évident. Les longues valises ne lui permettent pas de s’approcher comme il le souhaiterait. La meilleure solution pour lui est de s’installer le premier.
Consommation
Au rythme lent des fleuves du Nouveau Monde, la diva US n’écluse son cocktail de 22,7 litres de sans plomb qu’en près de 350 km. Sobre si on ne la tente pas, la plantureuse américaine peut vite se montrer goulue à rythme déluré. Ses 1 800 cm3 avaleront à grande vitesse près de 9 litres par hecto bornes. L’usage habituel cantonnera sa consommation à une moyenne remarquable de 6,5 litres au 100 km.
Conclusion
Séduisant cruiser de luxe, la Road King CVO est un signe extérieur d'absolu à l'américaine. A son bord, on goute l'excellence d'un certain art de vivre le haut de gamme motocycliste. Ajustement des pièces, des joints, qualité des matériaux, aspect des surfaces, agrément mécanique... le moindre détail est soigné. Avec elle, le summum du mythe Harley Davidson s’offre à vous. Contre 32 000 € bien réels. Toutefois, la belle est produite en série limitée, faisant d'elle une oeuvre d'art. Ce qui n'est pas peu dire. Et la firme de Milwaukee va même plus loin encore avec la Road King CVO 110ème Anniversaire. Ainsi, pour fêter cet évènement, Harley pousse encore les finitions de ce modèle grâce à des traitements uniques. Peinture spécifique Diamond Dust et Palladium avec motifs en filigrane, badges et médaillons Midnight Pearl Anniversaire, affichant le logo Harley-Davidson Bar & Shield. installé à un endroit différent sur chaque modèle, un autre blason artisanal sert de support à la plaque numérotée qui affiche le numéro de série de votre machine…! Comptez 33 000 €.
A ce niveau de prix, ces attentions ne sont que légitimes et s’ajoutent aux services réservés à la clientèle hors norme. Ainsi, une assistance spécifique volera, le cas échéant, à votre secours au moindre problème. Cependant, prévoyez encore 1 500 € pour faire respirer, comme Outre Atlantique, votre Screamin’Eagle. La Harley taxe, ou évolution stage 1, s’applique aussi à la CVO bien que ces performances soient déjà moins étouffées d’origine que celles de ses soeurs.
Si le modèle vous tente mais que ce luxe rebute votre banquier, la Road King existe en une version standard Twin Cam 103 (1 690 cm3) pour 11 000 €... de moins que la CVO soit 22 790 €.
Peu de marques proposent l'accès à de telles réalisations. En comparaison tarifaire et confort, citons Honda et sa GL 1800 Goldwing, tarifée à 29 390 €. A son bord, luxe calme et volupté sont de mises. Avec l’avantage d’une technologie moteur à la souplesse incomparable et un équilibre hors catégorie. Pour moitié moins cher que l’américaine, la Kawasaki VN1700 Tourer ABS à 16 199 € vous donnera certes l’image mais en rien le son d’Outre Atlantique. Sans même parler de performances mécaniques ou de finition qui, même pour la Road King à moteur 103, ne peuvent soutenir la comparaison.
Dernier challenger envisageable, la Victory Cross Roads Classic et son bicylindre en V à 50° de 1731 cm3. Apparue en 1998, la marque mime la gamme du Wisconsin avec toutefois des lignes plus modernes. Ce modèle séduisant reste également bien en deçà de notre CVO, tout comme son prix : 18 690 €
Pour lutter avec cette CVO, seules les autres créations du moment trouveront grâce à vos yeux. Motorisée par la même bloc 110", CVO Road Glide Custom, CVO Ultra Classic Electra Glide et CVO Breakout vous attendent. Dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde.
Points forts
- Caractère moteur
- Qualité de fabrication et finitions
- Sonorité travaillée
- Système audio
Points faibles
- Train avant lourd
- Suspension arrière sèche
Concurrentes : Honda Goldwing GL1800, Kawasaki VN 1700, Victory Cross Country
La fiche technique de la CVO Street Glide
Coloris
- Burgundy Blaze with Hot Fusion Graphics
- Crushed Sapphire with Cold Fusion Graphics
- Anniversary Diamond Dust and Obsidian with Palladium Graphics
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