Essai sportive Ducati 1098
Il est des moments dans une vie de motard où l'émotionnel frappe, en plein cœur !
Je me souviens à l'époque de la sortie de la 916 : quelle claque ! Un coup de génie signé Massimo Tamburini. Pas facile pourtant de se succéder à soi-même mais, évolution oblige, malgré de nombreuses retouches il fallu bien songer un jour ou l'autre à remplacer cette sublime moto. Est arrivée alors la 999 qui fut accueillie assez froidement par les aficionados de la marque. La 999 a fait son bonhomme de chemin grâce à ses qualités intrinsèques sans toute fois déchaîner la passion, et ce malgré plusieurs titres en SuperBike. Ducati se devait de rectifier le tir.
Les premières photos de la 1098 ont fait l'effet d'une bombe. La firme italienne venait de frapper un grand coup en dévoilant sa dernière hypersport.
Après Tamburini (916, MV Agusta F4...) et Terblanche (999), c'est à Gianandrea Fabbro que la firme bolognaise a confié la 1098 : des lignes tendues à l'extrême, mélange d'agressivité et de sensualité à la fois, une finesse de sylphide. Résultat : l'émotion est de retour et le carnet de commande déjà bien rempli, bien au delà des prévisions du constructeur italien un peu dépassé par les événements.
Découverte
Elle est là, devant moi, et je suis comme un môme qui découvre émerveillé son premier flirt. Je reste quelques instants sans bouger, comme pour fixer dans mon fort intérieur ce moment. Mon cœur de motard, pourtant un peu blasé après ces longues années passées en selle à essayer tout ce qui sort, se réveille en se mettant à battre de façon inhabituelle : plus belle encore qu'en photo, la Ducati dégage un charme fou dès le premier regard posé sur elle !
Double optique, dosseret de selle minimaliste, monobras oscillant en alu... elle tient plus de la Desmocedici de MotoGP que d'une Superbike. Avec 173 kilos (à sec, 197 kilos tous pleins faits), elle a également perdu 13 kilos, et confirme sur la balance cette finesse et compacité globale… on jurerait presque une 600. Les concepteurs italiens ont même poussé le vice jusqu'à l'équiper du tableau de bord de la moto de Stoner !
Seuls les deux énormes silencieux Termigoni (montés pour l'occasion) nous laissent supposer que l'on se trouve bien en présence d'une Superbike.
Le tout développe près de 160 chevaux... en version libre.
Contact
Sur le décochement avant du réservoir, une légère pression du pouce droit sur le bouton de démarreur à impulsion et la belle s'ébroue dans un grognement saccadé au rythme des deux grosses gamelles qui viennent de se réveiller. La sonorité est grave et caverneuse, comme une invitation à se lover en elle…, ce que je fais très rapidement. Le charme se prolonge aussi par la voix forte et suave des deux Termigoni.
Les demi-guidons sont judicieusement disposés. Un peu plus écartés et rapprochés du corps par rapport à la 999, ils ne sont pas disposés trop bas, laissant une bascule du corps plutôt naturelle pour mon mètre 80. Le réservoir est d'une finesse inouïe pour la cylindrée et permet de bien serrer la moto qui semble toute petite. L'embryon de selle, en revanche, semble assez ferme. On cause bien d'une sportive ! Les jambes trouvent naturellement leur place dans les échancrures du carénage et la triangulation selle, guidons, repose-pieds parait judicieuse. On est campé sur le train avant, le nez sur l'ordinateur de bord commandé par un sélecteur au pouce gauche sur le commodo permettant l'affichage de la vitesse, du compte tour en chiffre, des partiels, du chrono… La 1098 ne triche pas et vous met tout de suite dans l'ambiance : n'est-ce pas Toseland que j'aperçois là-bas ?
En ville
Première (l'embrayage semble avoir perdu cette dureté caractéristique des belles bolognaise), un petit filet de gaz et… c'est parti ! Il faut déjà sortir de la ville, un exercice dont elle ne tire pas trop mal grâce à sa légèreté, la neutralité de son train avant et la souplesse du twin qui accepte de reprendre dès 3.000 tr/mn malgré une première interminable. Très vite, deux choses se remarquent : un rayon de braquage gigantesque (en plus de se coincer les doigts entre les demi-guidons et le carénage) et une furieuse remontée de chaleur en provenance des échappements sous la selle. Les beaux rétroviseurs avec clignos intégrés, à défaut de remplir leur fonction, présentent l'avantage de n'être pas très larges et même s'ils se trouvent pile à hauteur de ceux des voitures, on arrive quand-même à se faufiler assez facilement. Mais on sent bien que la 1098, même si elle se laisse driver sans broncher dans ces conditions, semble se comporter comme un fauve en cage en réclamant un peu d'espace…
Ouf ! Le trafic se fait plus fluide au fur et à mesure que je m'éloigne de la capitale haut normande en direction du Vexin. Il était temps car j'ai les jambes qui commencent à cuire sérieusement !
Départementales
J'enroule gentiment, le temps de comprendre ma belle du moment, ce qui me permet de constater que le moulin est beaucoup plus vif que son prédécesseur en en se montrant très alerte dès qu'on touche les 4000 tours. En fait, à ce rythme enroulé, on passe naturellement les rapports vers les 8000. C'est entre ces deux régimes que la machine joue avec le gras du couple. Aucune brutalité, simplement un comportement bien présent bien en phase avec une partie cycle qui s'apprend très vite dans ces conditions en nous accompagnant sans broncher. Le grondement du twin à travers ses Termigoni (homologués…, mouais !) est fabuleux. La moto semble parler à chaque rotation de poignée et grogne de plaisir.
La moto se montre très légère et facile à placer sur la traj'. Seul bémol, dans les virages très lents elle conserve le trait commun des sportives bolognaises et demande un certain accompagnement pour tourner correctement. Par contre, faut faire gaffe aux vitesses atteintes : la lecture de la vitesse sur le magnifique tableau de bord n'est pas instinctive, le compte tours est lisible, pas le tachymètre !
A cette cadence, la moto est très instinctive de comportement. Le train avant semble vif et précis, les suspensions amortissent correctement avec juste ce qu'il faut de fermeté, juste une fourche qui me semble un peu souple en compression (mais comme elle est réglable, c'est un simple détail). Je prends rapidement confiance en ouvrant un peu plus. Un droit en aveugle se profile à l'horizon, je vise la corde en empoigne le levier droit comme sur n'importe quelle autre moto et… Wouhaaaaa !!! Je me retrouve stoppé une bonne vingtaine de mètres avant de plonger à la corde… Les nouveaux étriers de freins Brembo sont ahurissants.
La puissance de freinage est tout bonnement ahurissante, jamais vu ça avant ! Celui qui a l'habitude de freiner avec deux doigts peut en retirer un, incroyable !!! Je me dis qu'heureusement la route n'était ni gravillonnées ni bosselée et encore moins humide. Paradoxalement, le frein arrière est à l'opposé, en brillant par… une presque inexistence à peine soutenue d'un frein moteur très limité pour la cylindrée. Une Gex 1000 me semble en posséder d'avantage avec son quatre cylindres. Ce freinage inattendu m'a laissé entrevoir un autre défaut de la machine : une fourche à l'hydraulique un peu légère qui engendre un transfert de masse trop important. Seule façon d'en savoir plus, tourner franchement la poignée droite maintenant qu'elle et moi avons fait un pneu connaissance, ce qui va me permettre de comprendre que la miss cachait bien son jeu jusqu'à présent…
Nationales
Jusqu'ici, j'avais affaire à une moto facile qui se laissait emmener presque comme une SportGt, à part dans les virages très lents. Là, elle me montre un autre visage.
Passons très vite sur la mécanique : passée les 8000, elle continue à monter jusqu'à la limite située aux alentours des 10700 avec une belle allonge, mais c'est à partir de là qu'on peste contre cette foutue loi des « sans chevaux » ! On sent qu'elle veut partir mais que quelque chose la retient. De plus cette partie cycle conçue pour encaisser beaucoup plus donne le ton de cette ineptie. Bien-sûr, la 1098 est loin de se traîner, mais aussi éloignée des capacités pour laquelle elle a été conçue ! Heureusement, le bridage intervient par un système de cales qui bloque l'admission à mi-course de la poignée, ce qui laisse son allonge naturelle et permet une montée en régime régulière, mais il est préférable dans ces conditions d'enrouler pour aller vite avec.
Dés qu'on augmente le rythme, plus question de se contenter de la manier « aux bracelets », la bête se tend et retrouve toute la rigidité d'une Ducati. Là, il faut jouer des appuis de repose-pieds et bouger pour l'accompagner, sans quoi elle se montre sous vireuse au possible en plus d'un train avant devenant très volage. Dés qu'on en occupe, elle retrouve instantanément toute sa superbe et plonge d'un regard avant même d'y penser. Cette moto se plie à son pilote si ce dernier à le métier pour l'emmener comme elle le lui demande.
Conclusion
Ducati a pensé sa 1098 dans le sens de la performance absolue, sans compromis aucun : de facile à conduire, elle devient particulièrement exigeante si on n'a pas le bagage pour le faire. Et encore, il s'agit de la version bridée qui a perdu 55 chevaux dans l'opération. C'est le cas de toute sportive moderne, mais c'est particulièrement flagrant avec cette dernière !
C'est surtout ce freinage démoniaque qui demande une certaine attention pour ne pas se faire piéger : il reste dosable au millimètre près mais sa puissance incite à la prudence. A ce rythme, j'ai trouvé la fourche un peu en deçà des qualités de la moto, malheureusement, le manque de temps ne m'a pas permis de toucher aux réglages et vérifier s'il s'agit d'un simple réglage – ce que pense – car la partie cycle semble hors de cause.
Inutile de préciser que la protection est inexistante et les aspects pratiques relégués au second plan. Il s'agit bien d'une sportive exclusive et dans ce domaine Ducati a frappé très fort ! Cette magnifique moto fait payer au prix fort ce qu'elle donne comme part des rêve, tant par l'aspect financier - 21.195€ quand même - que de son comportement, mais il faut savoir ce que l'on veut. Pour toucher du doigt cette certaine forme d'absolu, il faut aussi le mériter : cette moto est au paroxysme de ce qu'elle propose, si on accepte les règles du jeu, alors on est pas loin du bonheur.
Points forts
- moteur
- freinage
- esthétique
- position
Points faibles
- protection
- pots qui chauffent
- autonomie
- prix
Concurrentes :BMW S1000RR, Honda CBR 1000 RR, Kawasaki ZX-10R, Suzuki GSXR 1000, Triumph Daytona, Yamaha R1.
Un remerciement particulier à Hubert, le patron de Zone Rouge, pour le prêt de la 1098. Doublé d'un véritable passionné, il n'a pas hésité à confier son bébé pour les besoins de l'essai. Il faut voir la façon dont il en cause de « sa » Ducati… Le tout avec une sincérité qui prouve bien qu'un vendeur de motos doublé d'un chef d'entreprise est capable de vivre avec ses tripes et son coeur. Voilà qui inspire le respect en rassurant sur le fait qu'il existe encore dans le milieu des gens pour qui la passion de la moto n'est pas qu'un simple argument commercial.
Zone Rouge
7, avenue du Général Leclerc,
76250 Deville Les Rouen
Tel. : 02.35.74.87.87.
Commentaires
Toujours aucun test pour la 1198?.
01-03-2013 14:32848, 1098 et pouf magie direct la Panigale!.
Ouin...