Endurance 2016 : sans National Motos
Le plus ancien team privé de l'Endurance fait une pause en 2016... pour mieux repartir en 2017
Une victoire au Mans en 2006 et une dizaine de podiums au Mans et au Bol
Dans le petit univers du Championnat du Monde d'Endurance, aucune équipe autre que National Motos ne peut se targuer d'avoir 45 ans de présence régulière sur les grilles de départ. Aucun autre team privé, liée à un concessionnaire, n'a duré aussi longtemps dans les paddocks du Bol d'Or et des 24h du Mans, d'abord sous la houlette du charismatique fondateur de l'équipe, Ali Haddadj (surnommé Pipo Baldit par le milieu), puis par son fils Stéphane. Nous avons rencontré ce dernier pour faire le point sur leur difficile décision de ne pas être présent sur les grilles de départ cette année.
Stéphane, racontez-nous comment National Motos s'est retrouvé en Endurance ?
C'est grâce à mon père, Pipo qui, deux ans après avoir ouvert un atelier de moto à l'endroit même où se trouve la concession aujourd'hui, mais qui était nettement plus petit, a décidé de prendre le départ du Bol d'Or en 1971. A ce moment-là, le Bol d'Or se courait au Mans, après avoir eu lieu à Montlhéry pendant près de 25 ans. Depuis, nous avons couru tous les Bol d'Or sans discontinuer. A partir de 1978, l'équipe s'est mise à faire Le Mans, également. Cela fait donc 45 ans que nous sommes au départ des courses d'Endurance. Cela fait de nous la plus vieille équipe dans cette discipline.
Et donc, vous ne serez pas sur les grilles de départ en 2016 ?
Hélas non. Cela a été une décision extrêmement difficile à prendre, à la fois au regard du personnel de la concession, de ceux qui sont dédiés à la préparation de la moto (un salarié à plein temps, deux bénévoles à mi-temps, plus un apprenti à mi-temps, afin de préparer la moto de course plus un mulet et un moteur de rechange plus toutes les pièces, ndr), de toute l'équipe, environ 30 personnes, qui sont présentes pendant une semaine, pour tout l'historique que représente National Motos dans le monde de l'endurance, pour tous les souvenirs que nous avons engrangé, pour tous les moments que nous avons partagé avec l'équipe. Vous savez, quand on regarde toutes les coupes que nous avons dans la concession, quand on voit notre histoire, c'est un crève-coeur de décider de laisser passer un an...
Comment expliquez-vous cette décision ?
Nous avons appris tardivement que le manufacturier avec qui nous étions depuis plus de 5 ans ne nous accordait plus son soutien, suite à un changement de stratégie au niveau européen. Pour nous, le manque à gagner est considérable au vu du budget global de ce que nous coûte deux courses d'endurance dans l'année. Il était trop tard pour trouver d'autres sponsors, je devais aussi m'occuper d'être présent à la concession. Même avec le soutien de Honda France, qui a toujours été à nos côtés, j'ai trouvé que les conditions n'étaient pas suffisantes pour s'engager sereinement.
Que représente l'Endurance pour vous ?
C'est simple : c'est l'ADN de notre concession. Mon père était quelqu'un de volontaire, de curieux. Dans les années 1970, il voyait dans l'endurance le moyen de se faire connaître, mais aussi et surtout, comme un laboratoire pour tester, préparer et améliorer les motos japonaises performantes qui venaient d'arriver sur le marché, tant en préparation moteur que partie-cycle. Nous avons la même démarche, en préparant une CBR 1000RR avec nos moyens limités qui ne sont pas comparables à ceux des usines.
Et pour la concession ?
L'Endurance, c'est aussi une occasion de vivre des expériences exceptionnelles et d'une intensité rare avec toute l'équipe, c'est un partage d'émotion qui dépasse de loin ce que l'on peut vivre au quotidien dans notre lieu de travail. L'endurance, c'est un travail collectif, il faut que tout le monde soit en phase, car sinon la moto ne peut pas être performante et elle ne peut pas aller au bout dans de bonnes conditions. Ca, c'est mon approche de passionné. Après, d'un point de vie business, être en endurance et surtout y être pendant si longtemps, ça apporte de la notoriété à la concession et la partie de nos clients qui sont des passionnés valorisent le fait que nous avons aussi des motos de course. Le marché de la sportive n'est plus aussi florissant que par le passé, mais le passionné d'aujourd'hui peut rouler en Hornet ou en CB 500 et il apprécie la fait de voir nos motos d'endurance dans la concession. Les clients aiment bien avoir affaire à des mécaniciens qui savent aussi préparer des motos de course. Et puis il faut aussi penser aux spectateurs : c'est important qu'une marque comme Honda, avec qui nous entretenons d'excellentes relations depuis le début, soit représentée sur la piste des épreuves les plus prestigieuses et les spectateurs apprécient le fait que nous continuons à faire rouler des Honda.
Quels sont vos objectifs pour 2017 ?
Nous travaillons déjà à notre retour au Mans et au Bol d'Or ainsi qu'à la recherche de budget et aussi, si cela est possible pour nous, d'aller à Suzuka.
Quelles sont les chances d'une équipe comme la vôtre en Endurance ?
Aujourd'hui, en Endurance, il y a des tops teams qui sont des teams d'usine. Il y aussi des amateurs qui préparent une moto entre copains. Et entre les deux, il reste des acteurs comme nous, des concessionnaires qui n'auront jamais les pièces des machines d'usine, mais qui ont plus d'expérience que les amateurs. Les concessionnaires sont d'ailleurs de plus en plus rares, au fur et à mesure que les budgets augmentent. L'Endurance, ça reste la seule course au monde où, le samedi à 15 heures, personne ne peut prédire ce qui se passera le dimanche à 15 heures. Après, il faut savoir rester à sa place : notre objectif, c'est d'être la meilleure, ou au moins parmi les meilleures équipes privées. Et parfois, on peut aller titiller les usines, comme en 1992, où on fait troisième au Bol d'Or et troisième au Mans avec De Puniet (père), Bertin et Morillas. Et des fois, on peut même aller secouer les motos d'usine : notre victoire au Mans en 2006 en est la preuve.
Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
Ils sont trop nombreux pour tous les nommer. Notre victoire, bien sûr, mais surtout l'aventure humaine que ça a représenté et notre constance dans cette aventure. Nous avons une équipe de bénévoles, certains sont parmi nous depuis 1972 et ils attendent chaque début de saison pour revenir avec nous, sans rien remettre en question. Et nous avons travaillé avec 170 pilotes, dont de nombreux grands noms et pas que des anciennes gloires comme Chemarin ou Bertin. L'an dernier, par exemple, nous avons redonné une chance à Louis Bulle au 24 Heures du Mans, qui revenait d'un grave accident, de se refaire une place sur la scène de l'endurance. Notre équipe peut se permettre d'avoir cette approche humaine et si nous avons eu un problème électrique, nous étions quand même en cinquième position à trois heures de l'arrivée. Humainement, cela a été un pari gagnant.
National Motos en quelques dates
- 1969 : ouverture d'un atelier moto par Ali "Pipo" Haddadj à la Garenne-Colombes, boulevard National
- 1971 : premier engagement au Bol d'Or
- 1978 : premier engagement aux 24 Heures du Mans
- 1982 : National Motos court désormais sur Honda
- 1990 : devient concessionnaire Honda
- 2006 : victoire aux 24 Heures du Mans
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