Essai custom Yamaha XV 1900 Midnight Star
L’intemporelle Elégante
Comme d’autres constructeurs Japonais, Yamaha propose une gamme de low riding bike déclinée en 3 modèles (XVS 950 A, XVS 1300 A) dont notre XV 1900 A représente le fleuron. A juste titre. Excessif, clinquant, exhibitionniste... cet univers parfois dévoyé des customs n’est assurément pas celui de cette étoile sombre qu’est la Midnight Star. Descendue du firmament des cruisers, la belle brille sans tape à l’oeil, tel l’éclat d’une métallique obsidienne.
Découverte
Bien que discrète, la machine impose un gabarit respectable mais raffiné. Ses 2.580 mm de long étirent majestueusement des lignes souples, où fluidité est le maître mot. Mais à l’ancienne. On retrouve ainsi subtilement les canons aérodynamiques et esthétiques des années 30. Bugatti Type 57 Aérolithe ou autre Talbot-Lago T150 SS et leur concept «Goutte d’Eau» semblent hanter les formes de la Japonaise. Tout autant que le style Streamline et celui des motos d’avant guerre. En effet, la Midnight Star cultive essentiellement un esprit rétro sur toute sa plastique et joue finement des contrastes.
On retrouvera ces principes sur chaque élément. L’optique frontale large et cerclée de chrome accroche son long réflecteur, surmonté du contacteur, aux bras gainés d’une fourche massive. Ces tubes de 46 mm de diamètres bénéficient d’un angle de chasse contenue (pour le segment) de 30°, laissant la roue directrice proche de l’ensemble. Gainé de 3 lignes de chrome courant depuis la colonne direction, le réservoir de 16 litres, large et aplati, plonge vers l’assise pilote. Surdimensionnée, celle-ci s’adjoint une selle passager épaisse et assez longue, coiffant l’arrondi de la boucle arrière. Cette dernière, soutenue par deux virgules d’aluminium satiné boulonnées au cadre, plonge vers le sol, parant son dos d’un feu à leds taillé en diamant. Ces lignes en biseau se retrouvent également sur les extrémités du bras oscillant aluminium. Ce dernier supporte la couronne d’une transmission par courroie, mimétisme quasi obligatoire pour qui veut «cruiser» selon les codes en vigueur.
Ceux-ci imposent également une motorisation par V-twin. Bien que refroidi par air et équipé d’une distribution culbutée à quatre soupapes par cylindre, celui de la Yamaha est l’un des meilleurs du genre et des plus modernes. Le bloc de 1854 cm3 reçoit injection électronique et double allumage. Et pour filtrer au mieux les vibrations de son gros coeur aux pistons forgés, deux balanciers d’équilibrage prennent place sur le vilebrequin. Extérieurement, ses prestations sont tout aussi remarquables. Carters agréablement dessinés, ailettes brillantes tranchant finement les volumes des cylindres, massives colonnettes chromées des tiges de poussoir habillent finement un ensemble porté par un classique cadre berceau. Mais là encore, la technologie est de rigueur. Fait d’aluminium coulé sous pression, le cadre est doté de parois d’épaisseurs variables, optimisant sa rigidité. Il lui en faudra pour contenir la force de son hôte...
Et pour capter son ample souffle, deux larges collecteurs rutilants formant des S nerveux, conduisent les gazs vers un long silencieux étincelant. Fuselé comme une balle, son extrémité tronquée apporte une touche de sportivité racée.
Le soin des détails est poussé jusqu’aux freins dont l’élément arrière de type fixes s’agrémente d’une frette décorée. Et non, vous ne rêvez pas. Celui-ci affiche bien 320 mm de diamètre. Sa piste est mordue par un étrier deux pistons tandis que les disques flottants avant, deux millimètres plus petits, sont attaquée par des étriers à quatre pistons. Cette différence inédite s’explique par la présence d’un système de freinage combiné spécifique (UBS : Unified Brake System). Appuyer sur la pédale met également en oeuvre les ralentisseurs du train directeur.
Pratiquant l’élégance comme un ascétisme, la Midnight Star est un objet de discrétion ostentatoire. Son charme agit par contraste. Tout d’abord entre sa définition et son image surannée. Sa robe sombre se voit souligner par les teintes brunes de la partie cycle, culasses, revêtement moteur et lignes acérées des éléments chromés. On notera ainsi la flèche métallique supportant la base du garde boue ou la ligne d’échappement ainsi que les clignotants effilés. Particulièrement soignée, l’esthétique générale ne subit qu’un affront. Coté gauche, la présence de nombreuses durites et fils disgracieux surprend d’autant plus qu’à l’opposé une massive gaine conduit proprement son contenu...
En selle
Descendu sur la vaste et moelleuse selle, seulement élevée de 705 mm, qui autorisera le plus petit gabarit à avoir les pieds bien à plat à terre, la Yam’ continue sans peine son plan séduction. Les instruments prennent place au sommet de la platine métallique chromée couvrant le réservoir. Cette superbe console au graphisme délicieusement vintage, propose un vaste tachymètre surplombant deux petits compteurs aux aiguilles bleutées, renseignant régime moteur et jauge d’essence. Enfin, modernité oblige, une fenêtre digitale affiche l’heure, deux partiels et un décompte de passage en réserve. Ces fonctions sont accessibles soit par un poussoir au commodos gauche soit par un discret bouton sur le galbe frontale du bidon. Particulièrement raffiné, les chiffres des vitesses apparaissent soit brillant, soit mat. De nuit, le rétro-éclairage les fait devenir bleus et teinte le fond d’un vert pale...
Les mains tombent très naturellement sur le guidon de type cornes de vache, à la largeur peu commune. Plus d’un mètre sépare les deux épaisses poignées. La surdimension touche également les leviers et leur espacement hélas non réglable. En revanche, bocaux d’hydrauliques et durites se camouflent, suivant les courbes du large cintre. Celui-ci est fixé au té supérieur épuré par de massifs pontets, et eux aussi profilés.
Majoritairement conçue pour un usage solo, la Midnight Star soigne tout de même l’éventuel passager. Son assise confortable et longue lui assure un excellent positionnement, tout comme ses cale-pieds gainés. Pour son pilote, la position de conduite s’apparente presque à celle offerte par un fauteuil. La XV1900A accueillera également ses pieds sur de larges plateaux caoutchoutés et galbés.
De type balancier, le sélecteur de vitesse est doublé, permettant de monter les rapports au talon. On regrettera l’absence d’espace de rangement sous sa selle, ou ailleurs. Un peu regrettable au vue de l’encombrement de l’engin. Fort peu incliné sur sa béquille fuselée, celui-ci se redresse sans effort en dépit de ses 347 kilos prêts à tailler la route. Equilibrées, les masses, même placées au plus bas, ne feront pas oublier aux moins costauds les principes de Newton. Toutefois, l’étoile aux diapasons se manoeuvre facilement, moteur coupé... sur terrain plat.
En ville
Il est temps d’éveiller la belle au bi dormant. Semblant à la peine, le démarreur lance toutefois sans mal la longue course du twin qui ronronne avec la classe seyant à sa personnalité. On découvrira, dès lors, que ce low rider cache bien son jeu. Au point mort, son souffle évoque la respiration tranquille d’un transatlantique, à la mécanique ajustée. Mais son ralenti discret se mue en grondement viril à chaque rotation de poignée. Sans excès, bien entendu. Politesse oblige, la Star n’harangue pas les oreilles alentours.
Avec beaucoup de douceur, le cruiser s’élance, faisant déjà montre d’un confort étonnant. Ses suspensions avalent les défauts des rues sans fausse note. Même heureux constat pour la boite à cinq vitesses. En effet, l’étagement des rapports, plutôt longs, et la souplesse relative du V-twin, sourcilleux sous les 2.000 tours/mn, obligent à jouer du sélecteur à basse vitesse. Parfaitement contenues, les vibrations délivrées sont juste les meilleures, de celles qui réjouissent sans gêner.
Bien qu’imposante, on emmène sereinement la Yam’ entre les files, pour peu que la place y soit suffisante. En bonne place au tricolore, on ouvre alors gazs en grand sans oublier d’agripper fermement le cintre courbé. Mais où est donc passé notre compagne policée? Accentué par une position peu propice aux accélérations type dragster, l’effet est saisissant. Tout comme celui produit sur les passants. Etre l’ami d’une Star fait de vous son meilleur attaché de presse. «Oui, c’est un modèle actuel. Non, ce n’est pas une Harley. Oui, elle est magnifique»... etc. L’élégance de la monture rejaillit derechef sur le pilote. Quel que soit l’âge du profane, la séduction marche à plein.
Pour garder bonne figure, on évitera de faire demi-tour devant son fan-club. Sans être une enclume, le rayon de braquage de la XV1900A nécessite un certain espace pour se retourner. Fi des urbanités. Fuyez les mondanités pour redonner, à l’étoile, de la hauteur.
Autoroute et voies rapides
C’est l’heure de la séance sportive. Pour vous. Bien avant de faire le drapeau, vous contracterez abdominaux, bras et épaules pour accompagner la sombre fille des cieux dans sa chevauchée extatique. Supportable jusqu’à 110 km/h, la pression d’air se fait bien plus pénible par la suite.
Prendre l’air, à son guidon, n’est pas une vaine expression. Capable cependant de décrocher les 200 km/h au régime maximal, si vous osez l’accompagner, vous servirez ensuite d’aérofrein en reprenant une posture plus verticale. Poussant sans discontinuer jusqu’à la zone rouge, la Yam’ met en valeur ses «seulement» 90 gros canassons, disponibles à 4 750 tours.mn. Bien que limitée, cette puissance sert efficacement l’équipage.
Au légal, le presque deux litres japonais glougloute alors à 3.000 révolutions par minute sur le dernier rapport. Mais l’allure est déjà presque trop élevée pour apprécier la machine. De plus, la posture dos courbé, inhérente au concept low riding, aura raison de vos envies de célérité. L’objet céleste préfèrera voyager plus lentement sur des voies non payantes.
Départementales
Cruiser au guidon de la Midnight Star prend tout son sens sur routes. Suivant les pleins et déliées des départementales, le custom classic alterne sous régimes contemplatifs et accélérations sidérales. Dès 2 500 tours, 15,51 daN.m (15,8 m.kg) de couple déforme l’enveloppe arrière du Dunlop D251. Avec un peu d’angle, les dérives ne sont pas rares, ajoutant encore un peu de piquant au caractère caché de la Yamaha. Jouant les mutines, la Midnight Star sait tomber la robe fendue pour endosser un cuir plus sport. Chaque sortie de courbe est prétexte à gaver le bi-cylindre de sans plomb, faisant vrombir l’échappement. Abandonnant son rôle d’icônes sage, la belle se fait créature fatale, ensorcelant l’équipage de sa magie noire. Le longue course aux diapasons donne le ton, jouant alors sa partition fortissimo et emportant l’équipage dans une furie mélodieuse et toujours contrôlée.
Parfaitement saine, la partie cycle avoue ses limites lors de cet usage un peu trop familier. Si le cadre encaisse sans broncher un pilotage fantasque, les suspensions, elles, viennent à pomper sur mauvais revêtement abordé en courbe. Dans le sinueux, on s’amusera à viser la corde à l’aide du bloc optique, véritable figure de proue, et faire glisser les platines de repose-pieds en virages serrés. Gare aux optimistes forcenés. La garde au sol, conforme au principe du genre, fait vite élargir les trajectoires.
Pour contenir les effusions dont est capable l’étoile filante, il convient de moduler sa vitesse bien en amont. Peu démonstratifs, les étriers avant requierrent l’usage impératif de l’imposant disque arrière. De fait, le couplage rend bien plus satisfaisantes les décélérations, sans toutefois être excellentes.
Les trois quintaux et demis de l’étoile noire nécessiteraient un usage de la force de freinage encore mieux maîtrisée.
Partie-cycle
Doté d’un cadre rigide, le cruiser Yamaha se montre suffisamment précis. Sa géométrie ne tombe pas dans l’excès en dépit d’une longueur conséquente. L’important bras de levier procuré par le guidon et un bon équilibre rend la moto vive et facile à placer en courbe. Enfin, adapté à sa vocation ou le confort préside à toute chose, l’amortissement pourrait être plus progressif sur les compressions importantes.
Freinage
Manquant d’attaque et de puissance, les deux étriers du train directeur semblent à la peine lors des freinages appuyés. Efficace, le freinage combiné est alors bienvenu pour épauler des éléments avant un peu justes. On apprécie également son utilisation en courbe et sa mise en oeuvre progressive.
Confort/Duo
Les «vrais» riders s’en moqueront mais la Midnight Star, en grande dame, sait recevoir en duo. De plus, la sangle de maintien passager est, pour une fois, effective et assure une réelle prise. Ce qui n’empêchera nullement d’enserrer son pilote favori lors des relances. A défaut, on continuera la ballade à deux... Mais si, comptez bien : la Star et vous ! Si l’accompagnant insiste, vous monterez un sissy bar, disponible en option. Et serrez moi ces vis !
Consommation
En usage mixte et à bon rythme, l’aérolithe Japonais éclusera son plein en 200 km, soit 7,5 litres au cent kilomètres, hors réserve. Pilotée plus modérément, la Yamaha assurera 50 bornes de mieux. Des performances logiques au regard de sa cylindrée, ses performances et son embonpoint.
Conclusion
Entre ciel et terre, cruiser et machine rétro, la Midnight Star est une rare séductrice. Sa discrétion enflamme, son élégance envoûte... Douce, esthétisante mais capable de performances enivrantes, cette XV1900A UBS à tous les arguments pour clouer le bec de certaines amerloques. Hormis la légende ailée bien sur... Cependant, son plumage d’oiseau de nuit et son ramage plus mélodieux séduira ceux-là que l’image, parfois galvaudée des machines de Milwaukee, rebute. On pourra alors lui reprocher son choix d’une transmission par courroie, agréable mais économiquement plus onéreuse qu’un cardan à l’usage. Sur ce point, équipée d’une transmission par arbre, l’Intruder M1800 R Suzuki fait mieux. Au détriment d’une finition moins relevée et une position des jambes outrancière. Tarifée à 14 699 € TTC en version bicolore (14 399 € en standard), cette concurrente joue placée. De l’autre côté du Pacifique, on pourra opposer, au custom aux diapasons, une Harley Davidson Fat Bob Noir ABS, demandant 15 990 € pour faire frémir votre garage. A moins qu’une Super Glide Custom Noir ne vous séduise pour 14 990 €.
Affichée à 16 499 €, la Midnight Star UBS se drape dans son style sans égal et sa finition sans reproche et de haute volée, pour justifier de ce léger écart de prix. Car son esthétique dynamique et indémodable la situe en dehors des codes classiques des cruisers. A son bord, chaque voyage se mue en virée spatio-temporelle. Contemporaine machine à remonter le temps, l’étoile de minuit vous mènera à tout heure au bout de l’extase. Addiction garantie.
Points forts
- Style
- Caractère et performances
- Partie-cycle
- Finitions globales
Points faibles
- Freinage avant un peu timide
Concurrentes : Harley Davidson Fat Bob, Kawasaki VN 200, Suzuki Intruder 1800, Triumph Thunderbird 1600.
La fiche technique de la Midnight Star 1900
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