Essai Honda VT 1300 CX Fury
Le Choper aux épices Japonaises.
Quand Honda a présenté la Fury en 2009, personne n'y croyait... qu'est-ce qui pouvait inciter une marque japonaise à créer aujourd'hui une moto aussi extrême ? Et de fait, Honda est le premier constructeur japonais à se lancer sur le créneau... 30 ans après les premiers modèles apparus aux Etats-Unis. Car c'est là-bas que sont nées ces motos, juste après la guerre alors que la jeunesse était à la recherche de sensations fortes et de vitesse. Les Harley de l'époque étaient rapides mais trop lourdes. Il fallait les alléger au maximum, les jeunes se mirent donc à «Chopper», enlever tout le superflu pour gagner du poids...
Caractérisées par leur longue fourche, adaptée aux grandes lignes droites US, le Chopper s'est rapidement démarqué des autres productions pour devenir un style à part entière, à grands renforts de personnalisation, de chromes, de peintures spécifiques et de pièces moteurs usinées à la main. La Honda Fury est dans cette lignée ! Vraiment aussi extrême ou accessible au commun des mortels ?
Découverte
Pas de fioriture, pas de béquille centrale, ni de poignées chauffantes, ni de compte tours et surtout pas de régime moteur à 14500 tr/mm. Non môsieur ! Que du gros bien velu avec plein de chrome et de plastiques - ouvres culbuteurs, cache de filtre, carters latéraux - qui brillent. La Fury se distingue aisément par une ligne plutôt fluette et agréable à l'œil grâce notamment à son réservoir en forme de goutte d'eau qui contient quand même 12,8 litres de carburant. Son gros pneu arrière 200 mm et sa fourche qui partent là devant comme pour dire «-regarde la route mec, elle est là devant toi et moi, j'vais t'là faire façon easy rider !» complètent le tableau de ces motos pas comme les autres.
L'esthétique, c'est comme la mode, on aime ou pas ! Pour cette VT 1300 CX - on préférera son nom de code Fury - il suffit de la laisser quelques instants sur le trottoir pour voir immédiatement les badauds se pencher sur son réservoir et chercher la marque. L'effet de surprise est totale. «C'est une Honda ? Non ?! De loin c'est à si méprendre... ». Honda vient chasser sur le segment Gros Chopper dépouillé mais avec toute la technologie : injection électronique PGM-FI avec starter automatique, allumage digital 3D avec avance electronique, ABS, amortisseur réglable en précharge et détente, clef codée... Cà a l'air dépouillé, mais c'est la pointe en dessous!
Le moteur est un presque traditionnel bycilindre à refroidissement liquide, 4T, SACT, avec 6 soupapes s'il vous plait ! Pas de courroie ici mais un cardan.
Sur sa béquille latérale, la belle en impose par sa longueur. L'impression de masse est bien présente.
En selle
Je m'installe à son guidon et pour mes 1,88 cm le sol se retrouve plus près que jamais, surtout vu la hauteur de selle, qui culmine à seulement 678 mm. Même les petits gabarits trouveront le sol facilement, malgré une selle large. L'embrayage est à câble mais son levier n'a aucun système de réglage, tout comme d'ailleurs, le levier de frein.
L'assise sur la moto fait que les jambes se retrouvent très près du haut moteur. L'hiver, tout va bien. Je serais curieux de voir en été et en ville de surcroît, car je redoute qu'en cas de forte chaleur, le pilote souffre de la montée en température du moteur.
J'insère la clef de contact sur le côté gauche de la moto.
Contact
L'aiguille fait un 180 pour initialiser et donner son feu vert pour enclencher le démarreur. Les deux pots superposés situés à droite font retentir un son sourd et sympa. Il n'y a pratiquement aucune vibration.
Aie ! j'veux enclencher la première mais j'oublie qu'il faut que la jambe gauche se déplie pour aller chercher le sélecteur.
Une fois la première engagée, j'ai une petite appréhension qui me serre la gorge. La position de conduite et le poids de la belle (303 kg tout plein fait) ne sont pas là pour me rassurer. Un temps d'adaptation est nécessaire pour assimiler la technique et la position de pilotage du VT 1300 CX. Surtout, si tout comme moi vous n'avez jamais posé votre séant sur ce genre d'engin.
Mais une fois lancé, la magie opère. L'impression de lourdeur initiale disparaît pour laisser place à une maniabilité surprenante. Grâce à son large guidon, une simple pression à gauche ou à droite permet d'inscrire la moto là où le regard se pose. Évidemment la garde au sol freinera vite vos ardeurs, mais la philosophie de cette moto n'est pas non plus l'attaque sur chaque petite épingle ! Quoique...
En ville
Le moteur de 1312 cm3 ne délivre que 54 chevaux mais le couple est bien présent. Sur le deuxième rapport, vous êtes sur un nuage et si vous tournez la poignée dans le bon sens, la belle atomise bon nombre de deux roues. Si l'embrayage demande de la poigne, la boite de vitesse ne souffre d'aucune critique... ponctant juste la première d'un gros claquement si cher aux gros customs.
En agglomération, il vous sera inutile de jouer du sélecteur car le couple permet de rester sur le second voire le troisième rapport en toute sérénité. Par contre oubliez, le gymkhana en cas de trop forte influence. La maniabilité à l'arrêt ou à très basse vitesse n'étant pas son poids fort, vous risquez quelques soucis si vous tentez un demi-tour sans préparation; l'opération devient laborieuse car elle a tendance à embarquer avec son énorme angle de chasse de la fourche avant. Ma fois, après quelques jours et de l'expérience à son guidon, la manœuvre se fait finalement presque facilement.
Les périphériques surchargés de nos villes sont monnaie courante. Malgré tout, elle tire son épingle du jeu en se faufilant avec une agilité surprenante entre les files sans trop de peine malgré son large guidon. Par contre, côté frime, y'a pas mieux ! Les regards convergent tous dans votre direction lors de votre passage et l'égo scintille comme les chromes de la belle.
Autoroute
Sur l'autoroute, l'architecture d'un Chopper n'est pas fait pour rouler à haute vitesse pendant des heures. Même si sa petite bulle (en option) protège quelque peu, vous allez rendre la main au bout de quelques instants... malgré les 175 km/h qu'elle peut prendre théoriquement.
Le dos bien calé contre le renfort de selle vous décidez de mettre du gaz pour doubler ? La Fury saura répondre à votre demande dans un bruit d'échappement sourd sans que son moteur ne soit très démonstratif. Surtout sur le dernier rapport (boite 5), ne comptez pas, coupez les gaz et relancez... elle ne reprend que si vous rentrez une vitesse. Les reprises façon sport ne sont pas sa tasse de thé. Là, vous êtes loin de son créneau. Pourtant l'aiguille du compteur monte largement au dessus des limitations prévues par le code de la route (mais largement hein !) sans que l'on ait l'impression que le moteur hurle ou qu'il agonisse dans les tours.
La stabilité même à haute vitesse ne lui fait pas défaut et les grandes courbes sont avalées sans broncher. Les longs trajets autoroutier ne lui font pas peur. Ce sera le pilote qui sera contraint à de fréquents arrêts vu la position de conduite et ceci, malgré un confort de selle acceptable. De fait, elle incite à (en)rouler et respecter la limitation des 130 km/h.
Départementales
Sur route départementale, la Fury est tout de suite à son avantage et s'exprime pleinement. Les reprises pour doubler un autre véhicule sont franches et se font sans le moindre souci. Le couple moteur répond présent et la vitesse de croisière idéale vacille entre 90 et 110 km/h.
Je découvre alors un autre plaisir de pilotage avec ce genre de machine... pour le plaisir...
Un des points forts que la concurrence ne possède pas et qui au moment de l'achat fait prendre position, est son cardan. Je n'ai jamais ressenti la moindre gène ou claquement de ce dernier. Il sait se faire complètement oublier, tout comme l'entretien habituel.
Freinage
Malgré un seul disque avant de 336 mm de diamètre pincé par un étrier à 2 pistons, ce dernier se montre ferme mais manque de mordant dès l'attaque. Le frein arrière de 296 mm de diamètre pincé par un étrier 1 seul piston, ne fait pas que de la figuration, contribuant juste à arrêter les 303 kg le la belle.
La fourche avant n'a pas tendance à plonger lors de gros freinages. Son mono amortisseur arrière réglable en pré-charge et détente fait un excellent travail, un poil sec, mais sur route dégradée il absorbe efficacement les chocs.
La partie cycle est un rail et l'ensemble ne se désunit pas lors de changement rapide d'angle. Les détails qui ont leur importance telle que la bonne visibilité des rétroviseurs ou plus basique mais efficace, le klaxon, qui donne l'impression de provenir d'un camion californien. Le bloc compteur de nuit n'est pas des plus lisible.
Pratique
Lors des stationnements, j'ai voulu insérer la clef pour bloquer la direction. Tout comme d'anciens modèles, le Neiman se situe entre la fourche et le réservoir du côté droit de la moto.Je n'ai jamais pu bloquer le guidon... la peur de forcer et casser la minuscule clef dans la serrure. D'après le chef mécano de chez Honda France, la manœuvre se fait... en cherchant le bon angle qui permet à la clef de tourner.
Attention il vous faudra transporter votre anti-vol car aucune place nulle part.
Consommation
Avec un essai réalisé avec un mix route/autoroute/nationale, la consommation se situe vers les 5,4 litres au 100 km. Ce qui permet de faire au moins 200 km avant un ravitaillement. J'aurai aimé avoir une jauge à essence, car si la conduite devient nerveuse (si si on ne sait jamais !!) il vaut mieux prévoir et savoir.
Conclusion
La Fury est une moto faite pour les grosses nationales mais aussi et surtout pour enrouler sur les petites départementales. Elle comblera les solitaires; les amoureux partageront juste quelques kilomètres histoire de ne pas divorcer avant l'heure, et ce malgré le sissy bar.
Au final, cette Fury en surprendra plus d'un par son comportement routier et par ses qualités de finition. Les aficionados des choppers devront compter sur elle car son tarif de 14990 euros reste, toute proportion gardée, très attractif pour sa cylindrée. Je l'aurai bien gardée encore quelques jours, histoire de me refaire le film...
Points forts
- couple moteur
- partie cycle
- cardan
Points faibles
- trop de plastiques
- poids
- pas de rangement sous la selle pour un antivol.
Concurrentes : Saxon
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