Essai BMW R90S
BM triple V!
Au cœur des années 70, l’image de BMW s’imprimait sur papier sépia. Certes les modèles proposés avaient pour réputation leur fiabilité exemplaire, mais elles n’apportaient rien de très excitant. Vint enfin la R 90S. Subitement, la marque passa de l’accordéon à la guitare électrique…
Découverte
Bigrement belle… Sobre et élégante, même hors contexte de l’autrefois cette BMW a vraiment fière allure. On doit cette plastique à Hans Muth, designer intrépide, chargé alors de faire oublier les modèles plus anciens en apportant un véritable coup de jeunesse visuel. Plus tard, ce même couturier dessinera les Suzuki Katana, elles aussi radicalement différentes des millésimes précédents…
En selle
L’escalader n’est pas si simple. D’abord, elle est haute sur pattes. Alors forcément, mieux vaut se méfier lors des manœuvres à l’arrêt, notamment ne pas trop l’incliner sous peine de se faire embarquer par le poids. La débéquiller ne pose pas de problème, mais une fois ses deux roues au sol, il convient de remonter la centrale à l’aide du pied, faute de quoi on l’entendra racler le bitume. Pour l’opération inverse, il suffit de trouver l’ergot et de stabiliser l’engin en appuyant sur le patin arrondi prévu à cet effet. L’effort réclamé afin de basculer la R 90 S sur sa centrale est incroyablement faible, grâce à un bras de levier judicieux et d’une poignée de levage idéalement placée…
On découvre alors un véritable poste de pilotage.
Démarrage
Il suffit de choisir l’un de ses doigts de la main gauche pour actionner la manette Magura commandant l’enrichisseur, en actionnant le volet d’air de chacun des Dell’Orto. Un coup de démarreur et hop !... Moteur et machine toute entière s’ébrouent en gigotant d’un côté à l’autre.
Après la séance de chauffe réglementaire, un petit coup de première, salué par un sonore « klonk » de bienvenue et c’est parti pour l’aventure. Le bicylindre émet un grondement sympathique à chaque montée en régime. Aller chercher le rapport supérieur en devient un vrai régal, tant la musique sortant des silencieux cajole les tympans…
En ville
La boîte de vitesses n’est pas rapide comme l’éclair, mais s’avère fiable et précise. La belle Allemande s’en sort très bien, se faufilant comme un chat entre deux boîtes de pâtée Ronron et à chaque arrêt feu rouge, l’effet « couple de renversement » entraîne le flat à quelques pas de twist particulièrement appréciés en ces périodes de collante morosité…
Sur route
En toutes circonstances, Dame BM reste véloce et précise, obéit au coup de rein et à l’œil et obtempère à toutes les sollicitations. Dès que l’on tourne la poignée de gaz pour un dépassement, la paire de Dell’Orto semble donner un léger coup d’éperons dans les flancs de la bête. Effet immédiat : la BM se catapulte dans une vigoureuse montée en régime. Le moteur, aussi vivant qu’un vertical twin anglais à bas et moyens régimes, possède une allonge surprenante et paraît disposé à rejoindre le bout du monde… Au gré des virages, le moteur soupire d’aise. L’usage de la boîte se fait rare, le twin, coupleux à souhait, permet à la fois de rouler sur un filet de gaz, et, si nécessaire, de repartir franchement d’une simple rotation de la poignée droite. Dès qu’une occasion se profile, en sortie d’épingle, pousser un peu les rapports intermédiaires et faire parler la poudre est décidément très agréable sur cette R 90 S… Côté partie cycle, la moto s’avère très saine. Facile à mettre sur l’angle et autant à la relever. La fourche s’acquitte très honorablement de sa tâche et ne se laisse pas perturber par les déformations du bitume...
Sur autoroute
La géométrie générale, longue et haute, exige de rester attentif à grande vitesse. Idem lors des rétrogradages au forcing, il est plus sage de décomposer calmement. Contrariée, la BM se venge en effectuant de peu rassurantes ruades… Sa puissance en fait une diva d’autoroute, mais ses imprécisions les 160 km/h passés finissent par épuiser le pilote, malgré la tête de fourche bien conçue et efficace en tant que bouclier à remous d’air perturbateurs. Par ailleurs, quel que soit le régime, aucune vibration à signaler…
En duo
Aussi confortable à conduire en duo qu’en solo. Et le passager est loin d’être maltraité, disposant d’une selle aussi spacieuse que moelleuse et d’un arceau de maintien fort bienvenu…
Freinage
Double disque à l’avant de 260 mm étriers flottants, simple piston. Pour l’époque, que du bon. Les disques seront perforés dès 1975, dans le but de mieux chasser l’eau en cas de pluie. En passant d’un modèle « avec » à l’autre « sans », sous les mêmes conditions climatiques, on ne remarque aucune différence. Tambour à l’arrière, un brin faiblard, quel que soit le millésime…
Consommation
La BMW R 90 S consomme peu. 6,6 l/100 en utilisation mixte. Sans plomb 95 ou 98. Additif inutile.
Entretien
Le moteur est fiable « inusable » assurent même les accros de la marque. De nombreuses BM affichent plus de 200.000 kilomètres au compteur et sont toujours fraîches comme des gardons pour peu qu’elles aient été entretenues convenablement. Une vidange du bloc tous les 5.000 et une autre annuelle boîte/pont prémunissent de tout tracas.
Production/chronologie
Présentée en 1973 avec pour objectif de tailler des croupières aux arrogantes motos japonaises, la publicité, avec pour slogan « Les samouraïs vont trouver à qui parler », n’en faisait d’ailleurs pas mystère. Elle était alors proposée en noir/gris dégradé « Silver Smoke », mais chaque robe était unique, peinture et filets étant appliqués à la main. Echangée à l’époque contre 20000 francs, elle se situait parmi les machines les plus chères du marché (à titre indicatif, la Kawasaki 900 coûtait 2500 francs de moins !). En 1975, une version « Daytona » à robe orangée se caractérise par la présence de disques ajourés, le kick devient optionnel et les magnifiques clignotants alu des premières moutures sont remplacés par de tristes cabochons noirs. 17.465 exemplaires de cette machine d’exception furent vendus. La magnifique BMW R 90 S disparaîtra du catalogue en 1977, définitivement remplacée par la R 100 S apparut l’année précédente.
Côté cote
Devenue mythique, une BMW R 90 S coûte, aujourd’hui comme hier, la peau des genoux. Minimum 5.000 euros si elle essoufflée et dans son jus, jusqu’à 15.000 s’il s’agit d’une moto 100% restaurée ou ayant toujours été entretenue.
En cas d’achat
Entreprendre une restauration complète demande naturellement de solides connaissances, toutefois l’ensemble des pièces et composants est encore trouvable ou disponible. On peut également se faciliter la tâche en téléchargeant un ETK (logiciel des pièces BMW). Se méfier des maquillages, la R 90 S ne diffère pas tant que ça des séries 6, il s’agit donc de s’assurer de l’authenticité de la machine. Bien vérifier l’état de la béquille centrale. Il n’est pas rare qu’elle s’affaisse sur les motos ayant beaucoup vécu. En ce cas, une soudure s’imposera. Enfin, se méfier des « ventouses à garage ». Une moto ne roulant pratiquement jamais peut subir des dégâts occasionnés par l’essence actuelle qui, en se dégradant rapidement, détériore tout.
Conclusion
Il s’agit d’une moto à forte personnalité, vivante et très attachante. A classer dans les intemporelles. En 2015 elle a encore son mot à dire et tout l’avenir devant elle !
Points forts
- Engin carrément mythique
- Fiabilité
- Esthétique
- Disponibilité des pièces
- Performances
Points faibles
- Complètement hors de prix
- Freinage très moyen
- Stabilité à haute vitesse
- Rétive aux rétrogradages impulsifs
- Piège à permis
Commentaires
Ne pas "couper" brutalement sur virage à gauche à faible vitesse, le couple de renversement fait se coucher la moto (propre expérience)
29-12-2015 13:36jucmoto
Ca fait des années que je roule en béèm ancienne et le couple de renversement est imperceptible en roulant !!! quant à tomber en tournant à gauche il ne faut pas incriminer le couple ...??? , je crois que ça aurait également pu t'arriver à droite... on ne coupe jamais dans un virage
07-02-2016 08:05Une sacrée bécane que je regrette d'avoir vendu en 2000 , content de la revoir encore pimpante dans sa couleur orange DAYTONA , moto que j'ai restaurée en 1992 avec laquelle j'ai eu beaucoup de plaisir
19-09-2020 15:00Longue vie encore à elle ...