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Portrait : Nicole Parent

Motarde et danseuse de 77 ans

Nicole ParentLa danse est toute sa vie. La liberté est son leitmotiv. L'étoile a jeté le porteur pour un gros cube et continue désormais le spectacle dans la rue. Rencontre avec un chic Chevalier de la Route.

Danse, moto et liberté. Trois pas chassés, trois notions enchaînées sur la piste de la vie de Nicole Parent. A 77 ans, l'étoile de l'Opéra pointe tous les permis : auto, bateau, avion jusqu'au permis moto il y a seulement douze ans. La Harley-Davidson Sportster 883 a rejoint la Morgan dans le garage. La moto et l'auto sont à la dimension de la femme : d'exception.

Rebelle attitude

Flash back. Enfant déjà, son choix de devenir danseuse divise la famille. Rien n'y fait, ni personne : elle sera danseuse et rien ne l'arrêtera. Alors quand a 65 ans, elle se présente dans une concession parisienne du haut de son mètre soixante et ses 47 kilos pour acheter une Goldwing, le vendeur la regarde et lui conseille d'abord de passer son permis, n'espérant jamais revoir ce petit bout de femme.

Le permis résonne alors comme un défi, et elle s'inscrit aussitôt dans une moto-école.

Nicole ParentLe premier cours s'enchaîne dans la foulée, en plein cœur de l'été : « Le moniteur m'en a vraiment fait baver. Lorsque je suis arrivée, il a commencé par me faire remarquer que j'avais l'âge de sa grand-mère. Et pour commencer le cours, il m'a obligée à faire uniquement des exercices de béquillage/débéquillage d'une 600 cm3, alors qu'il faisait 32° à l'ombre. Il ne voulait vraiment pas que je le passe. Mais quand on est danseuse, on a le dos et le moral, alors je n'ai rien dit et j'ai tenu, jusqu'au bout ».

Chance ? Destin ? Les vacances arrivent et le moniteur est remplacé le temps du mois d'août. Tout se retourne alors. Le nouveau se fait un point d'honneur à la suivre et à la former pour lui faire réussir son permis rapidement : « Il a été formidable. Il m'a appris tous les petits trucs de conduite qui m'ont permis de circuler en sécurité en moto ensuite. » Du coup, les cours s'enchaînent à un rythme endiablé pendant deux mois sous le regard « des petits jeunes » : «Ils faisaient des paris sur mon dos en disant que je ne l'aurai jamais » se rappelle-t-elle en souriant « mais j'ai continué sans relâche. ».

Nicole ParentLe premier passage pour l'épreuve du plateau arrive et une succession de mauvais pas : « çà a été terrible. Au lent, le passager a voulu m'aider pour passer les portes, mais du coup j'ai été surprise par les mouvements sensés m'aider et cela m'a déséquilibrée. Au rapide, j'ai mordu la bande blanche, sans la franchir, mais cela m'a valu un C. Aux questions mécaniques, je suis tombée sur la batterie et le moteur, et je n'avais rien à dire : la mécanique et moi, çà fait vraiment deux. Alors, j'ai eu également un C. »

Recalée !

Mais il en faut plus pour la décourager. Elle reprend quelques cours et se représente. Le premier passage était finalement un échauffement. Le deuxième sera la représentation : « Je n'avais plus peur. Du coup, j'ai tout passé haut la main ! » Sur sa lancée, elle passe la conduite et l'obtient du premier coup, non sans quelques émotions : « A la fin de l'examen, l'examinateur avait appelé tout le monde pour remettre le papier rose, sauf moi. Il m'a appelée en dernier et a essayé de me faire peur. Mais j'avais tout réussi parfaitement. Alors, il a fini par me le donner. »

Elle a soixante cinq ans et un nouveau permis, comme récompense méritée à deux mois de travail où elle n'a pas ménagé ses efforts.

Chic moto

Nicole Parent« Je trouve les motos belles à l'inverse des voitures qui sont uniquement des utilitaires. On dirait des caisses de savon identiques, sauf la Morgan, ma voiture. A contrario, la moto est personnelle; on peut la modifier et la personnaliser. On retrouve dans la moto la notion de Chic Voiture qui existait autrefois. »

Elle recherche l'exception, la singularité et la beauté.

Elle oublie la GoldWing et songe à une ancienne, comme une Norton. Mais les anciennes demandent un entretien particulier et elle n'a pas envie de se mettre à la mécanique. Alors, elle lorgne les anglaises pour porter finalement son dévolu sur une Harley Sportster 883. La moto est bien là mais elle n'est pas encore à son image : « Je trouvais la moto trop petite, trop fine, trop passe-partout. Et je la voulais chromée.» Alors sa 883 se pare de chromes : réservoir, garde-boue, cale-pieds, poignées… Ce n'est pas du tuning, c'est briller de mille feux.

Nicole ParentLes planches sont désormais bitume et elle sort protégée. La combinaison se mue en armure, cuir ou métal, selon le temps ou l'occasion : « j'ai plusieurs armures ainsi que des côtes de maille. Elles ont été réalisées sur mesure et moulées. J'ai une préférence pour celle en métal car le cuir est très chaud notamment l'été. » La motarde est désormais Chevalier de la Route…

Les routes s'ouvrent alors pour elle. Sa première sortie est son meilleur souvenir : « Quand j'ai enfin eu ma moto et que j'ai pu rouler, j'ai retrouvé les mêmes sensations que lorsque j'ai piloté seule un avion. J'étais libre. J'étais fière. »

Elle garde contact avec son moniteur et sort de la Capitale quelle que soit la météo : « Au début, je roulais tout le temps, y compris quand il pleuvait et même une fois sous la neige. Maintenant, je sors uniquement quand il fait beau ».

Elle revit désormais encore et encore à chaque fois qu'elle enjambe sa moto : « La moto, c'est vraiment grisant. J'adore me faufiler, de gauche à droite. C'est comme la danse. On fait des arabesques. Et puis, c'est la liberté »…

Nicole Parent

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