Interview vérité sur l'endurance : Christophe Guyot, GMT94
Pour le team manager du GMT, "il n'y a plus de stratégie en Endurance"
A l'occasion de notre récente visite au QG de Yamaha Racing à Milan pour avoir plus d'informations sur la stratégie de Yamaha en compétition, nous avons pu rencontrer Christophe Guyot et faire le point sur la discipline de l'Endurance et ses tenants et aboutissants. Rappelons que l'équipe GMT94 a été deux fois sacrée championne du monde d'Endurance et qu'elle a manqué le titre l'an dernier, face à la Suzuki du SERT, pour un point seulement.
La saison 2016/2017 a déjà commencé et le GMT94 a signé une 9ème place au général (6ème en EWC) au Bol d'Or. La poursuite du championnat se fera avec une nouvelle équipe, Mike di Meglio ayant rejoint Niccolo Canepa et David Checa, sur une machine qui a progressé sur bien des points : de nombreuses évolutions viennent agrémenter la moto pour cette année. Notamment un nouvel arrière de cadre, un nouveau bas de carénage, un nouveau radiateur, un nouveau tableau de bord l2M, un nouveau faisceau électrique, une nouvelle robe ainsi qu’un nouveau réservoir.
Christophe, qu'est-ce qui vous a manqué pour le titre l'an dernier ? Qu'est-ce qui fait que le SERT a encore gagné ?
Certains pensent que ce sont les chutes de Louis Rossi au Mans, mais je ne suis pas d'accord, ça, c'est la course, même si Rossi, qui avait la vitesse et la régularité, du moins du peu que nous avons pu le constater, s'est trompé de démarche et était là avant tout pour battre ses coéquipiers. Mais je ne dirais pas que le SERT est meilleur, ils ont le titre mais n'ont pas gagné de course, alors que nous, on en a gagné. Par contre, à Suzuka, les commissaires nous font revenir aux stands pour une histoire de phares, j'ai refusé et ils nous ont menacé du drapeau noir. Du coup on est rentrés et l'arrêt s'est avéré infondé. On était alors 27 secondes derrière la moto que nous avions en chasse. Impossible de revenir et c'est ce point qui nous coûte cher.
Certaines équipes jouent la continuité, vous intégrez un nouveau pilote. N'est pas un risque ?
Non, moi j'ai toujours fait le pari d'avoir des pilotes qui ont de la personnalité, qui ont des envies. C'est peut-être un peu plus risqué à gérer, mais c'est nettement plus gratifiant à voir rouler sur piste.
Même pour suivre la stratégie de course ?
En Endurance, il n'y a plus de stratégie. C'est fini, ça, ça remonte à il y a une quinzaine d'années et au retour des 1000 4 cylindres. Maintenant, c'est à fond tout le temps, c'est une course de vitesse qui dure 24 heures. En fait, nos motos sont quasiment plus proches d'une machine de GP que d'une Superbike, y'a du carbone partout, ce sont de vraies machines de course et pas des motos que l'on doit piloter à l'économie.
L'Endurance, pour vous, c'est votre plafond de verre ? Ou vous aspirez à plus haut, plus de challenge, plus de visibilité ?
J'aime l'Endurance, car c'est de là que vient notre histoire et c'est aussi un moment d'une intensité incroyable que l'on partage avec l'équipe et avec le public. Si un jour je ne suis plus dans l'intégralité du championnat, je n'imagine pas ne pas courir les 24 Heures du Mans, par exemple. Maintenant, il y a des choses qui sont un peu pénibles dans l'Endurance, malgré un promoteur qui s'implique, il y a encore des éléments qui posent problèmes. Les pneus, par exemple.
Vous souhaitez venir au manufacturier unique ?
Pas du tout, je pense que la compétition doit concerner tous les aspects de la course. Mais il y a un constat d'inégalité dans la fourniture des pneus. Les 5 ou 6 équipes de pointe reçoivent leurs pneus gratuitement et ce sont des pneus de guerre. Derrière, les équipes payent pour des enveloppes moins bonnes. Moi j'aimerais que l'on se batte à 25 ou 30, pas à 5 ou 6. C'est ça, les valeurs de l'Endurance.
Quoi d'autre ?
Il faut aussi que les règlements soient plus clairs et lisibles. Cette année, c'est Vincent La Rédaction qui est titré, alors que ce n'est pas lui qui a marqué le plus de points. C'est arrivé deux fois dans sa carrière, il faut que les instances dirigeantes prennent position sur ce point qui ne rend pas très lisible la discipline. Donc ce serait bien que ça évolue sur cet aspect-là et sur les pneus, car le jour où on n'aura plus de satisfactions à cause de ça, on regardera peut-être ailleurs. Tout est ouvert...
Dernière question : sur Eurosport, lors de vos commentaires des GP, d'où vient ce look veste de costard & t-shirt de rock ?
Je ne voulais pas utiliser la télé pour renvoyer l'ascenseur vers l'un de mes partenaires, donc il me fallait un look neutre. Et chez moi, je suis en t-shirt, entouré de guitares, j'écoute du rock. Ca vient de là...
Commentaires
Pour avoir eu la chance de le côtoyer quelques minutes à Magny-cours, à l'occasion de tours de circuit avec Yamaha, je peux vous dire qu'il est sympa, accessible, humble et d'une extrême gentillesse, ... un grand Monsieur de la moto.
12-02-2017 10:14