Essai comparatif BMW S 1000 R et M 1000 R
L’œil du cyclone
BMW S 1000 R : quatre cylindres en ligne de 999 cm³, 170 ch, 114 Nm, 199 kg pleins faits, réservoir de 16,5 litres, à partir de 16 900 €
BMW M 1000 R : quatre cylindres en ligne de 999 cm³, 210 ch, 113 Nm, 199 kg pleins faits, réservoir de 16,5 litres, à partir de 23 500 €
Dans le genre roadsters énervés, les BMW S 1000 R et M 1000 R n’ont plus grand-chose à prouver. La première fait dans l’ascétique, comme un triathlète en période de sèche, sur lequel on apercevrait la fibre musculaire sous la peau, quand la seconde peut se résumer en un chiffre et trois mots : 210 ch, pas de carénage. La marque allemande couvre ainsi l’ensemble du spectre, allant du naked sportif – presque – raisonnable, au streetfighter sans concession. La « S » récupère le 4-en-ligne des anciennes S 1000 RR, celui qui ne disposait pas encore du shiftcam, un système faisant évoluer la hauteur des arbres à cames afin d’améliorer les performances. La « M » c’est, à peu de choses près, un mélange de « RR » (moteur, freinage, électronique) et de S (cadre, bras oscillant, suspensions option DDC).
Si la puissance n’a pas énormément progressé en onze ans (en 2014 la S 1000 R affichait déjà 160 ch), le roadster a connu son évolution la plus significative en 2021. À cette occasion, les ingénieurs teutons lui ont fait perdre 6 kg et ont affiné sa silhouette, mais à chercher la performance, on perd parfois en agrément. Plus nerveuse, distillant un certain nombre de vibrations désagréables et, surtout, affublée d’une simple optique manquant cruellement de charisme, la nouvelle venue n’avait pas fait l’unanimité. Épaulée en 2023 par sa déclinaison M, celle-ci connaissait immédiatement un beau succès, au point de supplanter sa petite sœur en termes de ventes, malgré un tarif nettement plus élevé.

Cette année, les deux modèles ont été revus, alors allons voir ça de plus près…
L'essai comparatif des BMW S 1000 R et M 1000 R en vidéo
Découverte
Le premier changement saute aux yeux : la tête de fourche a radicalement évolué, retrouvant une double optique (symétrique cette fois) qui lui offre un regard pénétrant, à la fois agressif et élégant. Une signature qui rappellera peut-être, aux plus connectés d’entre vous, le modèle développé pour GMK par SSM, il y a déjà quelques années. Plus besoin de passer par le préparateur niçois, les S 1000 R et M 1000 R possèdent désormais le caractère affirmé qu’elles méritent.

Pour le reste, c’est plus subtil, mais appréciable malgré tout. Côté mécanique, grâce à un travail sur la culasse et l’admission d’air, le 4-cylindres en ligne gagne cinq chevaux, pour un total de 170 équidés à 11 000 tr/min. D’ailleurs, je ne peux m’empêcher de partager cette petite phrase relevée dans le dossier de presse : « Avec une puissance de 170 ch, l’accent reste mis sur l’utilisation sur toutes les routes. » Si quelqu’un a une idée sur la signification profonde de cette assertion, faites-m’en part dans les commentaires, parce que je ne vois toujours pas quel type de route requiert une pareille cavalerie sur un roadster. Ceci dit, la suite est plus intéressante : comme sur les sportives, le tirage de la poignée de gaz a été réduit pour passer à 58°, afin de gagner en réactivité, alors que la démultiplication a été raccourcie avec une couronne gagnant une dent (on passe de 45 à 46). Le contrôle de frein moteur fait son apparition, le shifter a été amélioré et le mode Dynamic est désormais proposé en série.

Ce n’est malheureusement pas le cas des coloris un peu sympas (il faut sortir 425 € pour le noir/bleu/jaune très réussi et encore 190 € pour un sabot moteur selon moi indispensable pour l’habiller convenablement). Une politique d’options qui explique aussi l’engouement pour le modèle M, sur lequel il n’y a rien à ajouter. Mais j’y reviendrai en conclusion. Sur la version Motorsport justement, il s’agit surtout d’évolutions esthétiques. Outre la poignée de gaz qui récupère également un tirage rapide et une démultiplication finale encore plus courte (47 dents), on note l’apparition d’impressionnants ailerons et quelques détails de finition (bras oscillant et boucle arrière en « gris platine », carter d’embrayage en noir).

Tout ça, c’est bien beau, mais le soleil brille, la route est sèche et les courbes gersoises nous attendent, alors en route !
En selle
Les possesseurs de S 1000 R ne seront pas dépaysés au moment de prendre le guidon des modèles 2025, puisque la position de conduite est identique au précédent modèle. On est sur du roadster à l’ADN clairement sportif, avec des repose-pieds en arrière et un appui certain sur les bras. Ce qui ne l’empêche pas d’être naturelle à prendre en main grâce à une hauteur de selle raisonnable, un réservoir relativement étroit et un poids réduit. Avec 199 kg sur la balance tous pleins faits sur les deux versions, redresser la moto de sa béquille latérale n’est qu’une formalité. Une fois le contact mis (avec une bonne vieille clé sur la S, si vous n’avez pas pris l’option Keyless), la dalle TFT de belle taille s’illumine. Là encore, les habitués seront en terrain connu, puisque c’est celle qui équipe désormais la grande majorité des modèles de la marque à l’hélice. Soit un élément lisible et complet, facile à configurer grâce une interface intuitive et des commodos bien fichus. Au démarrage, le 4-cylindres dévoile une note métallique assez agressive, alors que j’apprécie toujours autant la zone rouge qui évolue en fonction de la température moteur. Toujours pratique.

Sur la M, c’est à la fois identique et différent. Identique parce que l’environnement et la position sont les mêmes, différent parce que les imposants appendices aérodynamiques, mais aussi l’omniprésence du carbone, ainsi que les rétroviseurs placés en bout de guidon sur notre bécane dotée du Pack M Compétition (une folie à 6 280 €) apportent une touche d’exclusivité sensible. La S est déjà valorisante et pas très discrète, surtout en bleu, mais la M fait dans l’ostentatoire. Il faut assumer quand on est au guidon, mais la « qualité perçue » est bien un cran au-dessus.

En ville
Malgré la présence du mode Dynamic en série, je pars en Road, en profitant des poignées chauffantes très efficaces dont est équipée ma S 1000 R. Il faut dire que les températures sont fraîches du côté d’Auch en ce tout début du mois d’avril, ce qui incite à la prudence pour s’assurer d’un réveil en douceur. Si la position est sportive – pour un roadster hein, on n’est pas non plus sur une 916 -, les suspensions DDC (oui, c’est en option, voir plus bas le détail des packs) offrent un confort très correct. Elles absorbent tout autant les bosses du bitume, alors que nous quittons l’hôtel, que les ralentisseurs et les bouches d’égout en traversant la préfecture du Gers. On n’est pas sur une R 1300 GS et les 117 mm de débattement de l’amortisseur ne font pas de miracles non plus, mais pour un roadster sportif, on est largement dans les clous. Équilibrée, douce à bas régime, dotée d’un shifter relativement agréable à basse vitesse (celui de la Ducati Streetfighter V4 est meilleur, mais il n’y a pas de quoi non plus crier au scandale), la S 1000 R se laisse prendre en main sans faire de manière. Sauf en arrivant au premier feu rouge où, en redémarrant, je vais caler à cause du Hill Start Control qui s’est enclenché sans me demander mon avis. Il s’agit d’un système qui actionne les freins quand vous êtes à l’arrêt pour éviter à la moto de bouger si vous n’êtes pas sur du plat, mais il faut mettre plus de gaz qu’au naturel pour repartir. Certains vont trouver ça pratique, moi je déteste car on a beaucoup de mal à savoir quand le système va se désactiver. On va dire que c’est mon côté réac.

À part ça, la BMW est un feu follet au milieu de la circulation, elle évolue avec la grâce d’une ballerine, son rayon de braquage correct autorise les demi-tours sans trop de stress et son poids réduit est un atout en toutes circonstances. Le bilan est identique sur la M, malgré un pneu arrière en 200 (190 sur la S) imperceptible, mais elle aimante davantage le regard des badauds (et du coup on se cherche un peu dans les vitrines pour vérifier si l’on mérite autant d’attention !). Reste que l’on se sent vite à l’étroit en agglomération, alors quand la route s’élargit et que les habitations disparaissent, on a envie de se dégourdir les bielles.
Autoroutes et voies rapides
On va faire vite sur ce chapitre, vu que l’on n’a pas croisé beaucoup de doubles voies dans le coin. Malgré tout, quand les lignes droites s’allongent, les bras du pilote ont tendance à faire de même. La position de conduite aide à supporter la pression de l’air jusqu’à 140 km/h (c’est même un atout pour qui veut abattre du kilomètre), mais au-delà d’une certaine vitesse, c’est position limande et trapèzes de boxeurs obligatoires. Reste qu’à hautes vitesses le comportement des deux machines s’est révélé exemplaire. Et si vous voulez savoir à quel moment la M fait la différence avec la S, il faudra aller sur une autoroute allemande, parce qu’en usage « normal », elles font quasiment jeu égal.

Départementales
Voici le domaine de prédilection de nos deux tornades. Enfin ça, c’est la théorie, car les précédents modèles préféraient un bitume parfait aux routes abîmées. La rigidité du châssis et la fermeté des suspensions avaient tendance à transformer les tirages de bourre en concours de lambada (la jeune génération ira chercher ce que c’est sur le net !), à moins de se pencher sérieusement sur les réglages hydrauliques pour assouplir tout ça. Les choses ont progressé et la S 1000 s’est achetée une conduite. Elle absorbe mieux les déformations, en tout cas en restant sur Road - puisque les lois de suspensions sont assujetties aux modes choisis - et secoue moins son pilote.

Sans avoir un modèle antérieur sous la main, il est difficile de vérifier le gain apporté par le tirage plus court de la poignée droite et la nouvelle démultiplication, mais, en l’état, ça marche sacrément fort ! Le 4-pattes répond présent dès 4 000 tr/min, balance de beaux uppercuts à 6 000 et a de quoi déposer à peu près tout ce qui roule à partir de 8 000 et jusqu’à la zone rouge, qui débute à 11 500 tr/min. Et puis, vu la capacité d’accélération de l’engin, il n’y a pas beaucoup d’endroits où vous pourrez pousser aussi loin votre expérience, à moins d’aller faire un tour entre les vibreurs. Les vibrations qui m’avaient marquées sur les précédentes versions ne m’ont posé aucun problème cette fois-ci. À valider sur un essai plus long.

En passant sur la M, je me demande ce qu’elle va pouvoir offrir de plus. À part des gommes plus sportives et des jantes forgées plus légères, elle pèse le même poids et je ne vois pas où je vais pouvoir profiter des 40 chevaux supplémentaires. Pour cette partie-là, j’avoue que la différence n’est pas facile à percevoir. Il a fallu une portion fermée où nous faisions des images pour oser ouvrir en grand les portes de l’écurie et prendre conscience du potentiel de la mécanique. Sortie de virage en quatrième sur la roue arrière, avant de prendre 230 en cinq sur un mince ruban de bitume bosselé et bordé d’arbres… Ce n’est pas le genre d’exercice que l’on pratique au quotidien ! Pourtant la M s’y prête avec une joie sadique, grâce à une mécanique pleine dès les mi-régimes et explosive dans les tours.

Elle possède une allonge supérieure (la zone rouge débute à 13 000 tr/min !!!) et, surprise, propose un comportement routier plus sage. En partie grâce à une géométrie légèrement différente, mais également avec ses appuis aérodynamiques vraiment efficaces. Alors que la S est évidente à mettre sur la roue arrière, il faut insister pour faire de même avec un M dont le train avant semble rivé au sol. Cette dernière propose un agrément général supérieur, avec des mi-régimes plus pleins et un placement en courbe plus naturel (merci les jantes allégées). Petit bémol sur nos deux machines, la boîte de vitesses et le shifter deviennent plus fermes en mode Dynamic. C’est un peu rêche et j’étais bien content d’avoir des bottes de vitesse aux pieds et non des baskets renforcées.

Partie-cycle
En mode Dynamic, on découvre un caractère plus tranchant sur les deux machines, avec une mécanique devenant plus explosive et un châssis plus vif (merci le DDC). Une fois de plus, la M marque des points en étant un peu meilleure à tous les niveaux (précision, puissance, réactivité, efficacité de l’électronique) sans que ça ne change grand-chose à une efficacité globale excellente sur route. L’amortissement est très bon, les lois électroniques changent vraiment le comportement de la machine et ne sont pas là juste pour faire du marketing.

Freinage
Puissant, mordant, précis, celui de la M frôle la perfection, à l’avant comme à l’arrière. Sur route, la S n’a pas grand-chose à lui envier et il est bien difficile de faire la différence. À noter que les modes Dynamic Pro, en série sur la M (rappelons-le), permettent d’accéder à des réglages très performants qui reculent très loin l’intervention de l’ABS et permettent de profiter pleinement des capacités de ralentissement et du train avant de nos deux engins.

Conclusion
La S 1000 R est un roadster sportif ayant d’excellentes manières, aussi à l’aise en ville que sur piste, tout en étant capable d’offrir beaucoup de plaisir sur route. Reste une mécanique un poil agressive à mon goût. Le 3-cylindres d’une Speed Triple 1200 RS procure une puissance plus enrobée et un meilleur touché de route pour un prix pas si éloigné, surtout si vous piochez dans le catalogue d’options du constructeur bavarois. En allant sur le configurateur de la marque, j’ai allègrement dépassé les 22 000 €. De quoi comprendre facilement pourquoi la version M, facturée 23 500 €, mais plus spectaculaire, plus valorisante et tellement bien équipée en série qu’il n’y a rien à ajouter, la supplante en termes de ventes depuis son lancement. Cette dernière prête peu le flanc à la critique. Elle offre des performances hors du commun pour un tarif presque raisonnable, sa finition est excellente (meilleure que sur les versions précédentes) et elle possède une aura impressionnante. C’est un objet magnifiquement inutile et donc, pour reprendre les mots de Zef à propos de la Ducati Panigale V4 S, totalement indispensable. En plus, cet ouragan de puissance possède désormais un regard féroce en rapport avec ses performances… l’œil du cyclone, en quelque sorte.

Points forts S 1000 R
- Agilité
- Look valorisant
- Performances solides
Points faibles S 1000 R
- Boîte ferme en mode Dynamic
- Mécanique un peu sèche
- Tarif salé avec les options « obligatoires »
La fiche technique de la BMW S 1000 R
Points forts M 1000 R
- Moteur hallucinant
- Look de dingue
- Agrément général supérieur
- Très bien équipée d’origine
Points faibles M 1000 R
- Moins fun que la S (mais quelle efficacité)
- Boîte et shifter fermes en mode Dynamic
- Look « Transformers » à assumer
La fiche technique de la BMW M 1000 R
Conditions d’essais
- Itinéraire : Une journée parfaite sur route autour de Auch
- Météo : Ensoleillé toute la journée, frais le matin, doux l’après-midi
- Problème rencontré : aucun
Équipements de série
S 1000 R | M 1000 R |
---|---|
|
|
Équipements optionnels
Pack Dynamic | Pack Confort | Pack Carbon |
---|---|---|
|
|
|
Pack M | Pack M Competition | |
|
|
Disponibilité / prix
S 1000 R :
- Coloris : Noir – Bluefire (+390€) – Pack M Light white blanc/bleu/rouge (3 160 € avec pack M Compétition)
- Prix : à partir de 16 900 €
M 1000 R :
- Coloris : Light white blanc/bleu/rouge – Black aluminium metallic mat – M Compétition Noir/bleu/rouge (6 280 € avec le pack M Compétition)
- Prix : à partir de 23 500 €
Équipement essayeur
- Casque Shoei X-SPR / Peinture Marty Design
- Blouson Ixon Cortex
- Jean PMJ
- Airbag In&Motion UO4
- Gants Five RXF1 Evo
- Bottes Alpinestars Supertech R
Commentaires