Kronik : Dijon-Dijon
Liaison
Un roadtrip estival de 1.126 km en Honda CRF 250 L
L'instant par hasard vaut mieux que l'événement choisi. Je suis resté deux jours chez Clarisse, dans une bulle loin de tout. Il faut pourtant repartir.
C'est une des manières d'être heureux : vivre des moments inattendus qui surprennent parce qu'ils dépassent nos attentes. Pendant deux jours, avec Clarisse, Pascal, Pascale, Magali, Hobbes et les autres, c'est exactement ce que j'ai vécu. Pascale est prof dans une école du sous-chef-bled d'à côté. Pascal est homme à tout faire dans une propriété voisine. Clarisse règne en despote imaginatif et bienveillant sur une ménagerie variée et une collection de poupées de chiffon confectionnées par sa mère. Comme ses deux frères sont en vacances ailleurs, elle est ravie de disposer d'un grand frère-tonton de rechange.
C'est le coeur lourd que je reprends ma route vers le sud, direction Aurillac. Je pars rassuré qu'il existe encore des îlots de paix dans ce monde. Je garde l'image de Clarisse, juchée sur Magali, qui a tenu à m'accompagner jusqu'à la route. Elle crie des choses que je n'entends plus à cause du bruit du moteur ; son image vibrante s'amenuise dans le rétro. Si elle n'est pas trop bousillée par l'école, on entendra parler d'elle un jour, c'est sûr.
Maintenant, il me faut reconstituer mon unité : moi et la moto, vers un objectif. Pendant un temps qui me paraît très long, je roule sans but, justement, pour reprendre le rythme, me remettre la CRF dans les bras et les jambes et mon voyage en tête. En théorie, je suis à mi-chemin après une semaine en selle.
Sur les conseils de Pascal, je vais me débarrasser de ma tente pour adopter un hamac, bien plus rapide à installer qu'une tente -pourvu que je trouve deux arbres accueillants. J’allégerai ainsi mon chargement du tapis de sol -pas lourd, mais volumineux- et du petit pliant que j'ai tenu à emporter pour ne pas avoir à m'asseoir par terre. Avec une toile tendue au-dessus du hamac, j'ai ainsi beaucoup plus de place que dans une tente, je peux me tenir debout, je n'ai pas à me soucier des branches et des cailloux au sol... c'est tout bénef'.
Pour l'instant, je voyage à la boussole, visant à peu près le sud. Ce soir je vais me trouver un coin où poser la tente avant de rejoindre une grande ville pour la renvoyer par la Poste à la maison, afin de mettre mon plan hamac à exécution. Bizarrement, je suis très impatient d'essayer ça. Je trouve l'idée très exotique et je me demande pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt.
Je traverse le Forez un peu en diagonale, en visant Massiac. Là, je connais un petit sentier du côté d'Auriac l'Eglise qui se perd dans un sous-bois assez touffu. J'espère qu'il n'a pas trop plu dans le coin ces derniers jours : mes mésaventures en Morvan m'ont un peu calmé côté gadoue.
A Massiac, je reprends contact avec la "civilisation" par ce qu'elle a de plus sordidement pratique : un centre commercial. C'est fou comme je peux me déshabituer très vite de ce genre d'endroit. Les réflexes de citadin ne sont cependant pas bien loin : j'ai hésité à laisser la moto garée dehors avec tout son harnachement. Mais comme elle est, couverte de poussière, de débris végétaux et de boue, je doute qu'elle inspire beaucoup les voleurs. Il faut bien qu'il y ait des avantages à ressembler à un manouche.
Soulagement lorsque je ressors de cet endroit : ma moto est toujours là, avec tout son matériel. J'en ai un peu marre de rouler. Il est presque 15 heures, je pense que je vais faire la poignée de kilomètres qui me sépare de mon campement pour la nuit, repérer les lieux et m'offrir trois heures de bulle complète, à écouter de la musique, maintenant que mon téléphone est rechargé à bloc. Comme j'ai horreur du vide, j'ai bourré l'appareil de livres électroniques, assez pour meubler un séjour prolongé dans un monastère quelconque. Evidemment, je n'ai pas lu plus d'un chapitre depuis que je suis parti.
Comme je roule en mode automatique, ce n'est qu'après Le Bru que je m'aperçois que j'ai dépassé depuis longtemps la bifurcation vers Auriac l'Eglise. Faire demi-tour ? Bah. Continuons, on verra bien. J'attrape la D9 et prends la direction de Vèze. Le nom me dit vaguement quelque chose. Je contourne le coteau par la droite et je me retrouve sur une route étroite. Une fourche. Une ferme à droite. Je continue tout droit, à vitesse très réduite. Oui, ça à l'air pas mal, ici.
Au bout d'un kilomètre, le sentier s'arrête. Sur ma carte, il y a un mince filet bleu intermittent : peut-être le ruisseau coule-t-il encore à cette époque ? Je coupe le moteur. Tout est calme. Je n'entends pas de cloches de vaches -ce sont des animaux paisibles, mais seulement jusqu'à un certain point et je n'ai pas envie de découvrir celui-ci.
Demain, je serai à Aurillac, le temps de retrouver une copine. Une autre pause là-bas, avant de partir en direction de Montélimar si j'ai la flemme, ou de Vienne si je décide de traverser l'Ardèche et le Parc du Pilat en me prenant pour Peterhansel.
Commentaires
moi je rajouterai une moustiquaire, (histoire vécue).
14-08-2018 09:01Toujours aussi beau et poétique ! Et puis on se sent encore un peu en vacances par procuration ! J'espère que tu trouveras de beaux arbres pour le hamac...
14-08-2018 15:13Je rejoins roadsix, le hamac présente beaucoup d'avantages mais sans moustiquaire les nasillards volants vont festoyer comme jamais et te pourrir la nuit...et le reste de ton trip dans la foulée.
19-08-2018 13:39Une toile imperméable à tendre par dessus le hamac c'est bien aussi